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Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Stephen Hawking
Stephen Hawking trace ici une vaste histoire du cosmos. Il présente les théories de la naissance de l’Univers, le Big Bang et les principes physiques qui expliquent mouvements des étoiles ainsi que les trous noirs. L’astrophysicien évoque le défi d’unifier les théories qui expliquent les lois de l’Univers : celle de la théorie de la relativité générale, décrivant l’Univers à grande échelle, et celle de la mécanique quantique, l’observant à l’échelle de l’infiniment petit. Il pose, en outre, la question du principe anthropique, soit celle de la présence de l’Homme capable, au sein de cet Univers, de l’expliquer et d’en observer la beauté.
Publié en 1988 chez un éditeur américain, puis traduit dès l’année suivante en français, Une brève histoire du temps est une première tentative, pour Stephen Hawking, de rendre accessible à tous les découvertes les plus récentes des astrophysiciens.
L’auteur y décrit l’Univers, ses origines, en retraçant aussi l’histoire de sa connaissance, depuis les premières hypothèses d’Aristote à celle, aujourd’hui admise, du Big Bang, ainsi que celle d’un potentiel « Big crunch ».
Pour cela, il met en lumière les nombreuses théories à même d’expliquer les mécanismes physiques à l’œuvre dans cet Univers. Il montre, en outre, que des interrogations demeurent, à commencer par celle d’une origine au temps, ou celle de l’hypothétique présence d’un créateur.
« D’où vient l’univers, et où va-t-il ? » Questions presque autant physiques que métaphysiques, et dont les réponses évoluent au fil du temps… Aristote, dès 340 av. J.-C., avance de solides arguments en faveur d’une Terre sphérique plutôt que plate. Mais il la pense immobile, les planètes, la Lune et le Soleil tournant autour. Développant cette idée, Ptolémée aboutit, au IIe siècle av. J.-C., à un système cosmologique dans lequel la Terre se trouve au centre.
En 1514, une tout autre conception est énoncée par Copernic : le Soleil est immobile au centre de l’Univers, les planètes décrivant des orbites circulaires autour de lui. Et c’est en 1609 que Galilée, observant le ciel nocturne grâce à sa lunette, porta un coup fatal à la théorie d’Aristote et de Ptolémée : il observa plusieurs lunes tournant autour de Jupiter. Cela laissait supposer que tout ne tournait pas obligatoirement autour de la Terre elle-même.
Kepler, modifiant l’hypothèse de Copernic, démontre quant à lui que les orbites des planètes autour du Soleil sont elliptiques, ne formant pas des cercles mais suivant une trajectoire ovale. On peut, selon lui, expliquer ce mouvement par des forces magnétiques. Plus tard, en 1687, Newton présente sa théorie pour expliquer comment les corps se meuvent dans l’espace et le temps et propose surtout sa loi de la gravitation universelle selon laquelle, « tout corps dans l’Univers est attiré par tout autre corps selon une force d’autant plus grande que les corps sont plus massifs et proches ».
Le modèle de Copernic met à mal le système de Ptolémée, notamment l’idée d’une frontière naturelle de l’Univers. Il apparaît alors évident que les étoiles sont des objets ressemblant à notre Soleil, beaucoup plus éloignés. Toutefois, selon la théorie de Newton, toutes les étoiles auraient dû s’attirer entre elles… Qu’est-ce qui fait alors que, sous l’effet de la gravitation, toutes ne se rejoignent pas un seul point ? Un Univers infini statique ne peut avoir une gravitation toujours attractive, sinon l’ensemble de ses corps finirait par se rejoindre. Stephen Hawking fait remarquer que dans le climat de pensée précédant le XXe siècle, foisonnant de nouvelles théories sur l’Univers, personne n’a eu l’idée qu’il puisse se dilater ou se contracter. Même ceux qui avaient compris que l’Univers ne pouvait être statique en raison de la théorie de la gravitation n’imaginaient pas qu’il puisse être en expansion…
C’est en 1929, avec l’observation d’Edwin Hubble montrant que les galaxies s’éloignent de la Terre à toute vitesse, qu’est soutenue la vision actuelle d’un Univers en mouvement. Ainsi, en des temps très anciens, il y a 10 ou 20 milliards d’années, tous les objets étaient concentrés en un même point, l’Univers étant infiniment petit et dense.
Là, toutes les lois de la physique s’effondrent : en effet, au point du Big Bang, toutes les théories, celles de la gravitation comme celles de la relativité, ne sont plus valables : en ce point, encore bien mystérieux, tout ce qui est connu jusqu’à présent en physique n’a plus de valeur. C’est de ce Big Bang que naquit notre Univers...
En voulant expliquer comment est régi l’Univers, Stephen Hawking révèle les secrets des lois physiques qui gouvernent le monde dans le domaine de l’infiniment grand : mouvements, lumière, et espace-temps…
Aristote défend que les corps possèdent un état au repos, ou qu’un corps lourd doit tomber plus vite qu’un corps léger. Les travaux fondamentaux de Galilée et Newton démontrent que tel n’est pas le cas, et notamment qu’un corps accélère de façon proportionnelle à l’intensité de la force. Ces théories impliquent l’absence d’une norme absolue de repos. Comme Aristote, Newton croit toutefois en un temps absolu.
Il fut par la suite démontré que la lumière a une vitesse finie, fixe, alors que jusqu’alors on la pensait infinie. En 1865, Maxwell réussit à unifier les théories décrivant les forces de l’électricité et celles du magnétisme. Il prédit que la lumière se propage sous forme d’onde, à une vitesse donnée. Selon sa longueur d’onde, c’est-à-dire la distance entre la crête d’une onde et la suivante, il peut s’agir d’ondes radio ou d’ondes centimétriques (de quelques centimètres) ou encore infrarouges (plus d’un dix millième de centimètre). Des longueurs d’onde plus faibles que celles de la lumière visible correspondent, elles, à l’ultraviolet, aux rayons X ou encore aux rayons gamma.
C’est Albert Einstein qui, en 1905, suggére d’abandonner l’idée d’un temps absolu, auquel croyait Aristote et Newton, et qui serait le même en tout point de l’Univers et indifférent au mouvement. Il formule la théorie de la relativité. Il postule aussi que les lois de la physique restent les mêmes pour tous les observateurs en train de bouger, et ce quelle que soit leur vitesse. Cette théorie est vraie tant pour les lois de Newton que celles de Maxwell et la vitesse de la lumière.
La conséquence qu’en tire Einstein est celle de l’’équivalence entre la masse et l’énergie, que l’on retrouve dans la célèbre équation E = mc2 (E pour l’énergie, m la masse et c la vitesse de la lumière dans le vide). Autre résultante : rien ne peut se déplacer plus vite que la lumière. Einstein indique aussi que tout ce qui se produit dans l’Univers peut être caractérisé par une position dans un espace à quatre dimensions, avec les trois dimensions de l’espace, plus une dimension de temps. Il suggère également que l’espace-temps n’est pas plat mais courbe, gauchi par la masse et l’énergie, tel un drap qui serait déformé par la masse d’un objet céleste.
Avec la théorie de la relativité générale, l’espace et le temps deviennent des quantités dynamiques : les corps ou les forces peuvent modifier la courbure de l’espace-temps.
La compréhension de l’Univers, ne pouvant s’expliquer en totalité par la physique de l’infiniment grand, a conduit à orienter les recherches vers les théories de l’infiniment petit. D’où l’éclairage apporté ici sur la composition de la matière, qui constitue l’Univers aussi bien que l’homme.
La conception « atomiste » est invoquée dès l’Antiquité par Démocrite, selon lequel la matière serait composée de petites particules. Sa théorie se révèle exacte : la matière est en effet constituée d’atomes, eux-mêmes faits d’un noyau autour duquel gravitent des électrons. La réalité est encore plus complexe, et les électrons, notamment, occupent certaines orbites spécifiques autour du noyau. Les noyaux regroupent protons et neutrons, et eux-mêmes constitués chacun de trois quarks. Les quarks seraient les ultimes particules élémentaires de la matière, indivisibles…
Le déterminisme de Laplace – persuadé, comme les savants du début du XIXe siècle, que les lois physiques permettaient de prédire l’ensemble des événements se produisant dans l’Univers – est mis à mal au début du XXe siècle. Car l’imprévu s’immisce : on ne peut déterminer la position des particules de façon précise. Si l’on émet une onde de lumière afin de déterminer leur position, plus on aura de précision sur leur vitesse, moins on en aura sur leur position… Et inversement. Les particules ont donc un état quantique, et pas un état unique : il existe pour les décrire plusieurs résultats possibles et différents. C’est ce qui fut appelé le « principe d’incertitude » d’Heisenberg, auquel Einstein lui-même n’était pourtant pas favorable, affirmant, selon son célèbre adage que « Dieu ne joue pas aux dés ».
Ce principe est pourtant aux fondements de la mécanique quantique et à la base de toute la technologie moderne – de l’énergie nucléaire à la microélectronique. Elle tient son nom des « quantas », des paquets d’énergie délivrée, d’autant plus grands que la fréquence de l’onde est élevée. En outre, à certains moments, il est plus facile de considérer les particules comme des ondes, et à d’autres moments, les ondes comme des particules.
Toute la chimie et la biologie modernes, la compréhension des macromolécules qui constituent le vivant, sont régies par ces lois fondamentales de la matière. Hubert Reeves dirait ici que « nous sommes des poussières d’étoiles » et on ne pourrait lui donner tort : les atomes constituant le vivant proviennent de l’explosion de grandes étoiles (appelées supernovae), qui ont donné naissance à une nouvelle génération d’étoiles, faites d’hélium et d’hydrogène, et propulsé dans l’Univers des atomes d’oxygène et de carbone, briques élémentaires des planètes et du vivant.
Pour Stephen Hawking, « l’ultime but de la science est de fournir une théorie unique qui décrive l’Univers dans son ensemble ».
Il y a, pourtant, d’un côté les lois de la physique qui nous disent comment l’Univers évolue avec le temps, et de l’autre la question de son état initial : problème que certains estiment du ressort de la métaphysique ou de la religion. Les hommes ont toujours voulu savoir pourquoi nous sommes là, et d’où nous venons, souhaitant décrire complètement l’Univers dans lequel nous existons.
La grande unification de la physique devrait donc être capable de réunir en une seule théorie la relativité générale (infiniment grand) et la mécanique quantique (infiniment petit). Pour l’instant, les scientifiques n’y sont pas encore parvenus.La théorie des cordes est une tentative pour réussir cette unification. Selon ce modèle les particules ne sont donc plus envisagées comme des points mais sont désormais présentées comme des cordes ou des ondes voyageant le long d’une corde et qui vibreraient dans dix, voire même vingt-six dimensions…
Le défi lancé à la science reste donc de parvenir à unifier les théories de la physique. Stephen Hawking le fait remarquer, la découverte d’une théorie complètement unifiée ne viendra pas spécialement en aide à la survie de l’espèce, ni même n’affectera notre mode de vie. Mais elle viendra répondre à un besoin fondamental qu’ont de tout temps exprimé les hommes, puisque, affirme-t-il, « depuis l’aube de la civilisation, [ils] ne se sont accommodés d’événements hors cadre et inexplicables. Ils ont toujours eu soif de comprendre l’ordre sous-jacent dans le monde ».
Dès le début de l’ouvrage, l’astrophysicien rappelle d’ailleurs ce qu’implique toute théorie physique : elle est « toujours provisoire en ce sens qu’elle n’est qu’une hypothèse : vous ne pourrez jamais la prouver. Peu importe le nombre de fois où les résultats d’une expérience s’accorderont avec une théorie donnée ; vous ne pourrez jamais être sûr que, la fois suivante, ce résultat ne la contredira pas. » Il rappelle la nécessaire réfutation d’une théorie, dès lors qu’une observation unique ne cadre pas avec ses prédictions.
C’est ainsi que le philosophe des sciences Karl Popper rapportait qu’une bonne théorie devait comporter un certain nombre de prédictions, celles-ci pouvant être réfutées, voire rendues fausses, grâce à l’observation. Et dès lors qu’une nouvelle observation ne s’inscrit pas dans le cadre de la théorie, il faudra alors soit l’abandonner, soit la modifier. L’unique théorie quantique de la gravitation permettra-t-elle bientôt d’unifier les théories de l’infiniment grand à celle de l’infiniment petit ?
Autre point fondamental pour décrire l’Univers : celui des singularités. C’est-à-dire le fait que, dans certaines conditions, en raison de la force de gravité, la matière se rapproche de plus en plus, à tel point qu’elle devient immensément dense… Deux types de singularités ont été décrits : les trous noirs et le Big Bang.
Le Big Bang, on l’a vu, est le point initial de l’Univers, si tant est qu’il puisse y avoir un commencement à l’Univers – question également métaphysique, qui pose aussi la question du créateur, ou de Dieu, mais aussi de ce qu’il y avait avant ou non, ou encore celle de la naissance du temps. Ce point était si dense que toute la matière du futur Univers était contenue dans un point de taille plus qu’infinitésimale !
Autre type de singularité : les trous noirs, objets de recherche de prédilection de Stephen Hawking. Ceux-ci seraient dus à la mort des étoiles. À la fin de leur vie, quand elles ne disposent plus d’assez de gaz pour briller, la gravitation qui les faisait tenir finit par l’emporter : les étoiles s’effondrent sous l’effet de la gravitation pour ne former qu’un point très dense. La force y est telle qu’aucun grain de matière ou de lumière ne peut plus s’échapper de ces trous noirs ainsi formés. Des calculs démontrent toutefois que ces trous noirs émettent des particules et du rayonnement, comme un corps chaud.
L’hypothèse du Big Bang a vu, quant à elle, sa probabilité hautement augmentée avec la découverte, en 1965, via un détecteur d’ondes centimétriques, d’un rayonnement correspondant à la lueur de l’Univers primitif. Nous avons pu être capables de le percevoir, car la lumière de ces régions très éloignées de l’Univers ne nous atteint que maintenant ! Mais des questions demeurent : l’Univers sera-t-il en expansion constante et illimitée ou finira-t-il, au contraire, par se rétracter, sous forme d’un « Big crunch » ?Les descriptions que nous possédons des premiers temps de l’Univers sont de plus en plus précises.
On sait ainsi que durant ses premières secondes, l’Univers augmente de taille d’une façon exponentielle. Comme il n’est pas totalement lisse ni uniforme, des amas de matière ont pu se regrouper et se condenser, à certains endroits, sous l’effet de la gravité, et ont donné les premiers noyaux de matière élémentaire, les protons.
Ces réactions gazeuses furent à l’origine des premières étoiles, produisant lumière et chaleur. Cette première génération d’étoiles s’est ensuite condensée sous l’effet de la gravité, puis elles ont explosé sous forme de supernovae. La matière engendrée a formé une nouvelle génération d’étoiles, et rendu possible la formation des planètes qui gravitent autour de ces étoiles. Celles-ci sont réparties dans l’Univers en une infinité de galaxies.
Une autre explication à la présence de l’Univers et ses particularités physiques consiste aussi, parfois, à la formuler en termes de principe anthropique : c’est-à-dire, par le fait que l’homme est présent à l’intérieur, tout en étant capable d’en trouver les lois et d’en expliquer les principes.
Se pose en outre la question de la différence entre le commencement et l’origine, ou encore celle de la présence d’un créateur…
En définitive, Stephen Hawking livre une vaste vision de l’Univers, qu’il explique par les principes physiques ayant trait à l’infiniment grand comme l’infiniment petit, et qui s’appuie sur des calculs qui, parfois, peuvent être ensuite vérifiés par l’observation.
Une interrogation demeure, évidemment, sur la présence d’un créateur, sur l’intervention divine ou non dans cette création qui a rendu la vie de l’homme possible, et son intelligence capable d’en rendre compte. Le mystère reste entier, où et comment l’Univers a-t-il été mis en mouvement ?
Stephen Hawking ne tranche pas. D’autant que même un univers sans commencement pourrait devoir son existence à un principe supérieur. Car, être créé, c’est avoir sa source au-delà de soi…
Ouvrage recensé
– Une brève histoire du temps. Les grandes théories du cosmos : du Big Bang aux trous noirs, Paris, J’ai lu, 2007 [1988].
Du même auteur
– Trous noirs et bébés univers et autres essais, Paris, Odile Jacob, 1994.– L'Univers dans une coquille de noix, Paris, Odile Jacob, 2009.– Brèves réponses aux grandes questions, Paris, Odile Jacob, 2018.