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Écriture

de Stephen King

récension rédigée parKatia SznicerDocteure en Histoire culturelle (Universités Paris 13 et Laval, Québec). Rédactrice indépendante.

Synopsis

Arts et littérature

Dans cet essai, Stephen King délaisse la fiction pour se raconter lui-même, enquêter sur la genèse de sa carrière, rendre hommage aux auteurs qui l’ont marqué et influencé. L’auteur de best-sellers s’adresse ici particulièrement à ceux qui caressent le rêver de publier des œuvres de fiction. Il livre aux écrivains en herbe une série de réflexions sur son métier et sur les fondamentaux de l’écriture romanesque.

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1. Introduction

Tout commence au début des années 1990. Stephen King et quelques amis écrivains décident de fonder un groupe de rock amateur. Un soir, alors qu’ils sont attablés dans un restaurant chinois de Miami Beach, Stephen King demande à l’écrivaine Amy Tan quelle est la question qu’aucun journaliste ne lui a jamais posée : « le langage » répond-elle.

Stephen King réalise alors que, malgré sa renommée internationale, personne ne l’a jamais non plus interrogé sur ce thème. « Ce sont des questions qu’on pose aux DeLillo, aux Updike, aux Styron, pas aux romanciers populaires, écrit-il. Et pourtant, nous autres prolos, nous nous soucions de la langue que nous employons, même à notre humble échelle ; nous avons la passion de l’art et la manière de raconter des histoires par le biais de l’écrit » (p. 12). Qu’à cela ne tienne ! Ce livre tient lieu de réponse à ces questions qu’on ne lui a jamais posées sur sa vie d’écrivain, la langue et l’art du récit.

2. Une enfance chaotique

Pour Stephen King, l’art et la vie ne peuvent être dissociés. Il s’attache à montrer, tout au long de cet essai, que son univers littéraire, les personnages qu’il imagine, les récits qu’il invente sont intimement liés à des situations vécues et à des rencontres.

À ce titre, il ne peut faire l’impasse sur sa propre enfance, période fondatrice qu’il décrit comme « un paysage embrumé, au milieu duquel des souvenirs occasionnels émergent comme autant d’arbres isolés… des arbres nus et griffus, qui ont l’air prêts à vous attraper et à vous dévorer » (p. 18).

Le petit Stevie grandit, avec son frère David, de deux ans son aîné, auprès d’une mère seule, abandonnée par un mari qui l’a laissée criblée de dettes. Mais, de déménagement en déménagement, Nelly parvient à travailler et fait vivre son petit foyer. Stephen King la dépeint comme une mère aimante et fière de ses enfants.

Petit, Stevie est fragile et hypersensible. Il est marqué par de nombreux épisodes qu’il restitue cinquante ans après, sous forme de scènes dignes de ses livres d’horreur. Il est par exemple traumatisé par une baby-sitter pétomane et cyclothymique, « une adolescente baraquée comme une armoire à glace » (p. 21) qui lui fait subir de nombreux sévices. Un jour, après lui avoir fait ingurgiter sept œufs, elle l’enferme dans un placard. Stephen passe l’après-midi claustré dans le noir, seulement éclairé par un rai de lumière passant sous la porte, entre l’odeur capiteuse du parfum qui se dégage des robes de sa mère et son propre vomi.

Stevie tombe souvent malade, il subit plusieurs interventions chirurgicales à l’oreille qui le font atrocement souffrir. Il reste de longues périodes alité, sans pouvoir aller à l’école. N’ayant pas la télévision, il passe ses journées à lire des bandes dessinées et des récits animaliers. De temps à autre, il en recopie des passages. Un jour, il décide d’écrire ses propres histoires. « Je me souviens d’un fabuleux sentiment de possibilité […], confie-t-il, comme si l’on venait de m’introduire dans un vaste bâtiment rempli de portes fermées en m’autorisant à ouvrir n’importe laquelle » (p. 31). Sa mère, impressionnée, l’encourage, elle lui donne de l’argent de poche en échange de ses récits : c’est la naissance d’une vocation.

3. Un univers influencé par les magazines et le cinéma

L’imaginaire littéraire de King est largement influencé par les magazines de science-fiction, de fantastique et d’horreur destinés aux adolescents américains de la fin des années cinquante. Il rend notamment hommage à Forrest Ackerman, fondateur des revues Famous Monsters of Filmland et Spacemen, à qui il avait envoyé sa première nouvelle… sans succès.

En 1958, la télévision arrive dans son foyer. L’écrivain se remémore avec nostalgie ce « monde d'aventures vécues par procuration [qui] nous arrivait empaqueté en noir et blanc, sur un écran de 35 centimètres, sponsorisé par des marques qui ont encore une résonance poétique […] aujourd'hui » (p. 39).

Entre 1958 et 1966, l’adolescent se prend de passion pour le cinéma. Il se désintéresse des films de Walt Disney programmés près de chez lui et se rend chaque semaine au cinéma Ritz en auto-stop, avec son meilleur ami, dans un quartier où se côtoient échoppes de prêteurs sur gage et boutiques à la mode. Il adore les films de science-fiction, d’horreur ou de gangsters, le plus souvent produits par la compagnie American International et dirigés par le prolifique cinéaste Roger Corman, héritier revendiqué d’Edgar Allan Poe.

En 1968, la Nuit des morts-vivants de George Romero exerce sur King une influence décisive et lui donne l’idée de transformer les films d’horreur en nouvelles, de trouver les mots justes pour reproduire le suspens et l’effroi produits par les images.

Il écrit en deux jours une nouvelle reprenant la trame de The Pit and the Pendulum, réalisé par Corman. Avec l’aide de son frère, il imprime son texte sur une presse à tambour installée dans leur sous-sol. Il en écoule tous les exemplaires dans son lycée. Peu après, sa première nouvelle – sur un adolescent pilleurs de tombes – est officiellement publiée dans un modeste fanzine d’horreur imprimé en Alabama.

Mais il faudra encore plusieurs années à Stephen King avant de connaître la gloire.

4. A star is born

Malgré maints refus éditoriaux et une situation financière difficile, Stephen King ne cesse jamais d’écrire. En 1969, il rencontre sa future femme Tabitha, dans un atelier d’écriture de l’université du Maine. Ils ont vite deux enfants et vivent alors dans des conditions précaires. Stephen, malgré son diplôme, ne trouve pas de travail. Il enchaîne les petits boulots qui ne débouchent sur rien : journaliste sportif, employé dans une filature, à la bibliothèque universitaire, dans une blanchisserie. Il obtient finalement un poste de professeur d’anglais et écrit après les cours, dans un coin de la caravane double où il loge avec sa famille.

Un jour, il reçoit enfin une enveloppe avec un chèque de 500$ pour l’une de ses nouvelles. Encouragé, il se met à la rédaction de Carrie. L’idée de ce roman lui vient après avoir visité un vestiaire de filles avec un ami et s’être souvenu du martyre d’une de ses camarades de lycée devenue souffre-douleur de sa classe.

Peu confiant, il finit cependant par jeter le début du manuscrit à la poubelle. Tabitha le récupère miraculeusement et supplie Stephen de lui raconter la suite de l’histoire. Carrie sera finalement publié par les éditions Doubleday et rencontrera un immense succès. Et quand Signet Books en achète les droits pour 400 000 $, Stephen et Tabitha tombent des nues : ils vont enfin pouvoir vivre correctement et Stephen pourra se consacrer exclusivement à l’écriture.

Il enchaîne les succès et imagine des histoires très souvent inspirées d’expériences vécues. À la période où il écrit Shining (publié en 1977), il est lui-même plongé dans l’alcoolisme et se projette dans les délires du personnage de Jack Torrence. Dix ans plus tard, alors qu’il écrit Misery (publié en 1987), il est dépendant à la drogue. Quand il raconte la torture psychologique et physique d’un écrivain retenu prisonnier par une infirmière psychopathe, c’est de lui qu’il parle.

5. La boîte à outils de l’écrivain

Après ces confessions autobiographiques, Stephen King consacre le reste de son essai aux fondamentaux du métier d’écrivain. S’il insiste sur la nécessité de travailler son style, il est néanmoins convaincu que le talent, en matière d’écriture, est réservé à quelques élus. Si vous n’êtes pas doué donc, n’insistez pas !

Il témoigne, en préambule, du haut respect qu’il porte à la littérature. « Les livres, écrit-il, sont des instruments de magie portables qui n’ont pas leur pareil » (p. 124). Selon lui, un bon écrivain est d’abord un grand lecteur. Celui qui aspire à l’écriture doit s’éduquer en fréquentant les grands auteurs, en étant attentif à la construction des histoires, au style, à ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins du point de vue du lecteur. Il cite, en vrac, ceux dont il admire le style et le talent narratifs : H.P. Lovecraft, T.C. Boyle, Ernest Hemingway, John Steinbeck, Cormac Mac Carthy, Tom Wolfe, Raymond Chandler, Charles Dickens, etc.

Il ne conseille en revanche pas de livres théoriques, souvent ennuyeux et inutiles, à l’exception du manuel de William Strunk Jr et E.B. White, Elements of Style (1918), qu’il cite à de nombreuses reprises dans cet essai. Outre la lecture, tout aspirant écrivain devra se constituer, avant de se lancer dans l’écriture, une boîte à outils aussi bien garnie que celle de son grand-père Owen, charpentier émérite.

Le premier niveau contiendra, entre autres :– tout le vocabulaire nécessaire pour jongler avec les niveaux de langue et donner une impression de naturel et d’authenticité aux récits et aux dialogues,– la maîtrise de la grammaire, qui s’acquiert par la lecture, l’étude et la conversation ;– une syntaxe de base claire (deux phrases simples valent mieux qu’une phrase compliquée) ;– plus de voix active que de voix passive, cette dernière exprimant surtout, pour King, le manque de courage de l’écrivain qui ne veut pas assumer ce qu'il écrit ;– le moins d’adverbes possible, car ces derniers affadissent le propos.

Le deuxième niveau de la boîte à outils de l’écrivain comprendra :– la règle de formation des possessifs (anglais, en l’occurrence) ;– une syntaxe souple et variée : mise en relief, phrases nominales, phrases fragmentées, style direct et style indirect libre, etc. ;– des phrases et des paragraphes équilibrés pour assurer le rythme du récit, le paragraphe idéal comportant une phrase présentant le sujet suivie de phrases qui l’expliquent ou l’amplifient.

6. Comment écrire une bonne histoire

Stephen King s’adresse directement aux futurs écrivains et leur prodigue quantité d’autres conseils pour écrire un bon roman. Par exemple : – Écrivez quelques pages quotidiennement et n’abandonnez jamais un projet en cours, sinon vous perdrez le fil de l’histoire et vos personnages ne prendront pas corps.– Rédigez dans une pièce confortable et, surtout, porte fermée, pour vous couper du monde extérieur et de tout dérangement. King confie travailler en écoutant du hard rock, mais, sur ce point, chacun fera comme il voudra ! – Accordez-vous des moments de rêverie créative.– Écrivez sur ce que vous connaissez et tenez-vous-en au genre romanesque que vous appréciez. C’est le seul moyen d’écrire des histoires crédibles et captivantes. Vous devrez bien sûr parfois faire appel à votre imagination, mais partez de situations connues. – Quant aux stages d’écriture, ils sont inutiles : l’essentiel revient à une pratique assidue.L’écrivain expose aussi les trois éléments de base d’une histoire : – La narration : elle avancer le récit.– Les dialogues : ils donnent vie aux personnages et doivent refléter la façon de parler des vraies gens, même si cela implique d’insérer des mots vulgaires ou des phrases calquées sur l’oral. – Les descriptions : elles sont chargées de créer une réalité sensorielle pour le lecteur. « Une description, écrit-il, commence dans l’imagination de l’écrivain et doit s’achever dans celle du lecteur » (p. 207). Avant de décrire une situation ou une scène, King la visualise avec précision, en retient les quelques détails pertinents qui, une fois retranscrits, donneront au lecteur l’impression de vivre la scène. Comparaison et métaphore sont des figures de style recommandées, sauf si elles sont clichées.

Inutile donc, d’élaborer à l’avance une intrigue compliquée : mieux vaut laisser les histoires se dérouler d’elles-mêmes, spontanément, intuitivement même. Il faut également éviter d’inventer une histoire à partir d’une thématique car, à moins d’être George Orwell, votre récit sera artificiel.

De façon générale, le maître mot est l’impression de réalité. Le lecteur doit avoir l’impression de vivre la scène, d’être en face de personnages réels, dans une histoire réelle. Enlevez tout ce qui est superflu, tenez-vous-en à ce qui sert directement votre histoire. Ne perdez jamais de vue le « lecteur idéal » pour lequel vous écrivez et que vous devez tenir en haleine. Pour cela, imaginez qu’il est assis à côté de vous, dans votre bureau, tout au long du processus d’écriture.

Une fois écrit le premier jet de votre manuscrit, vous n’êtes pas au bout de vos peines ! Laissez-le reposer quelque temps, puis reprenez-le au moins une fois. Enfin, faites-le lire à des personnes fiables et écoutez leurs critiques éventuelles. Ensuite, il conviendra de trouver un éditeur, mais ça, c’est une autre histoire ! King conseille de commencer par publier des nouvelles dans des revues pour se faire connaître et, peut-être, susciter l’intérêt d’agents littéraires.

7. Conclusion

Ce livre original du maître du thriller a bien failli ne jamais paraître. En effet, alors qu’il se promenait près de sa maison de campagne, en juin 1999, Stephen King fut violemment percuté par Bryan Smith, chauffard multirécidiviste qui perdit ce jour-là le contrôle de son van en essayant de calmer son rottweiler.

Stephen King subit alors de multiples fractures, mais il s’en sortit miraculeusement, grâce à l’intervention rapide des secours et au soutien de sa femme Tabitha à laquelle il rend hommage tout au long de cet ouvrage. Et l’on comprend que, sans elle, sa « lectrice idéale », il n’aurait probablement jamais persévéré dans l’écriture ni jamais connu la gloire.

8. Zone critique

Ce livre est une bouffée d’air frais dans le champ de l’analyse littéraire.

Il montre d’abord que l’on peut transmettre des idées de fond sur l’écriture, sans appareil théorique hermétique ni pesanteurs académiques, avec suspens, humour et modestie ! Stephen King apporte aussi la preuve que romans populaires et best-sellers peuvent se combiner à qualité d’écriture et reconnaissance internationale – rappelons par exemple qu’un colloque de Cerisy lui a été consacré en 2007.

Ce livre est donc à mettre entre toutes les mains des admirateurs de l’écrivain, mais aussi de tous ceux qui ressentent l’appel de l’écriture, mais sont freinés par leurs doutes parce, souffrant du syndrome de l’imposteur, si bien qu’ils ne se considèrent pas légitimes ni autorisés à parler « d’en bas ».

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Stephen King, Écriture, mémoires d’un métier, Paris, Le Livre de Poche, 2020.

Du même auteur – Shining, Paris, Le Livre de Poche, 2007 (1re éd. 1977).– Ça (tome 1), Paris, Le Livre de Poche, 2002 (1re éd. 1977).– Misery, Paris, Le Livre de Poche, 2002 (1re éd. 1987).– La Ligne verte, Paris, Le Livre de Poche, 2008 (1re éd. 1996).– Docteur Sleep, Paris, Le Livre de Poche, 2015 (1re éd. 2013).

Autres pistes– Guy Astic et Jean Marigny, Colloque de Cerisy, Autour de Stephen King. L'Horreur contemporaine, Paris, Bragelonne, 2008.– William Strunk Jr. et E. B. White, The Elements of Style. Fiftieth Anniversary Édition, New York, Pearson Longman, 2009.– Haruki Murakami, Profession romancier, Paris, Belfond, 2019.– Philip Roth, Pourquoi écrire, Paris, Gallimard, 2019.

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