Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Tal Ben-Shahar
Symptomatique de notre époque, le perfectionnisme est omniprésent ! Tous les jours, nous nous imposons des objectifs trop ambitieux. Et plus nos exigences de performance sont élevées, plus nous sommes saisis par le doute, paralysés par la peur de l’échec, condamnés à la frustration. Très accessible, ce petit traité tente de nous libérer du mal sournois qu'est le perfectionnisme. À l'aide de situations concrètes, l'auteur nous fait entrevoir une autre voie possible non moins ambitieuse. À titre d'exemple, il cite J.K. Rowling (auteure de la série des Harry Potter) évoquant les vertus de l'échec lors d'un discours prononcé à Harvard en 2008 :
Après le succès de L’Apprentissage du bonheur, Tal Ben-Shahar nous montre les vertus de l'imperfection ou comment « ne plus avoir peur d'être soi ». Plus que le pessimisme, l'anxiété ou l'adversité, le perfectionnisme serait-il le pire ennemi du bonheur ?
Avant de répondre à la question, l'auteur dresse un état de la société en constatant le nombre considérable de « perfectionnistes » qui l'entourent ! Lui-même avoue avoir souffert de ce sentiment de devoir être parfait dans chacune des situations de sa vie. Or, croire que le bonheur est incompatible avec la tristesse, la peur ou encore l'échec est une méprise invalidante.
En traitant de la véritable nature du perfectionnisme, cet ouvrage nous donne les moyens de surmonter cet obstacle pour vivre plus heureux.
Ce livre au ton léger, parfois drôle, est un outil pour s'accepter et trouver la voie de l'efficacité. Pour ce faire, l'auteur nous offre une mine de petits exercices visant à nous libérer de l'impossible perfection. Ce manuel rassurant permet de se sentir mieux tout en étant faillible. Grâce aux entraînements de fin de chapitres, le lecteur s'interroge sur ses propres aspirations : veut-il mener une vie parfaite et s'exposer à la souffrance ou veut-il être heureux en acceptant son imperfection ?
Pour le perfectionniste, l'échec n'a aucun rôle à jouer dans le parcours qui le mène vers son but. Ainsi, le trajet qu'il emprunte est souvent le plus court : la ligne droite. Tout ce qui gêne sa progression vers l'objectif à atteindre est considéré comme un obstacle. Aux yeux de l'auteur, le parcours idéal n'est pas une ligne droite, mais au contraire une espèce de spirale tortueuse faite de détours conduisant néanmoins au but que l'on s'est fixé.
L'auteur distingue alors le perfectionniste, refusant l'échec, de celui qu'il nomme « l'optimaliste » qui l'accepte. Si la propriété principale du perfectionniste est la peur de l'échec, l'optimaliste, lui, ne se retrouve pas paralysé par ce sentiment. Aussi, il a beaucoup plus de chance d'atteindre son but. Accorder de la valeur au parcours, au flou, à la nuance et à la complexité des choses nous permet d'avancer sereinement vers notre objectif. Il faut donc mieux voir « le verre à moitié plein » que de reconnaître un intérêt aux embûches. On peut même retirer une forme de satisfaction à un résultat jugé en deçà de ses espérances et accéder ainsi plus facilement au bonheur.
« Emerson a dit : C'est notre façon de voir les choses qui fait du monde un enfer ou un paradis » (p.57). Oui, mon interprétation subjective et mes centres d'intérêt comptent. S'il n'atteint pas l'excellence – en tant qu’athlète ou étudiant, par exemple –, le perfectionniste aura l'impression que c'est la fin de tout ; du coup, il préférera peut-être, à l'avenir, fuir la difficulté. L'optimaliste, lui, aura davantage tendance à considérer ses échecs comme des événements enrichissants, même s'il est déçu.
Au lieu de le paralyser, souvent, ils le poussent à fournir un effort supplémentaire. Les optimalistes cherchent les bénéfices plutôt que les défauts ; ce sont les gens qui voient les choses du bon côté –, qui font avec ce qu'ils ont, etc. Doués pour transformer les revers de fortune en occasions à saisir, les optimalistes avancent dans la vie en irradiant l'optimisme. » (p.57-58)
Le refus de l'échec peut aussi s'appliquer à un autre domaine : celui des émotions. Pour le perfectionniste, la vie affective doit être une sorte d'extase permanente. En refusant les émotions négatives ne correspondant pas à son idéal (fait exclusivement de sentiments positifs), il s'expose à la souffrance psychologique, voire pire, à une incapacité à ressentir quoi que ce soit. Or du fait de notre nature, et les réalités de l'existence, nous sommes amenés à ressentir toute la gamme des émotions.
L'attitude optimaliste vise à s'autoriser à ressentir ses émotions négatives et douloureuses. Pour certains, il faut désapprendre à les dissimuler en contrant son éducation. L'acceptation véritable consiste à admettre qu'elles nous perturbent et non à les refouler. Comme le prône la pensée zen, il ne faut pas se fustiger parce qu'on éprouve de l'anxiété, mais au contraire l'admettre, se laisser traverser par elle et lui permettre de suivre son cours.
« Nous sommes nés avec la faculté de nous guérir nous-mêmes. Notre organisme sait lutter contre les germes, réduire les fractures, voire faire repousser sa peau. Pour cela, nous devons laisser au guérisseur qui est en nous le temps de faire son œuvre » (p.97). Dans bien des cas, la solution consiste à se détacher du mode de l'agir pour se reporter sur celui de l'être, c'est-à-dire l'acceptation. Comme le souligne Marcel Proust, « on ne guérit une souffrance qu'à condition de l'éprouver pleinement ».
Aussi, la faculté d'éprouver de la joie s’accroît chaque fois que nous devons en passer par des périodes de tristesse. Notons que les expériences esthétiques (la lecture d'un roman, la contemplation, etc.) peuvent étendre notre perception émotionnelle du monde et ouvrir les vannes de l'affectivité.
« Le mythe de Sisyphe raconte l'histoire d'un homme qui fut puni pour avoir désobéi et péché par orgueil. Les dieux le condamnèrent à pousser un rocher vers le sommet d'une montagne pour le voir aussitôt rouler au bas de la pente, et à répéter l'opération pour l'éternité. Psychologiquement parlant, le perfectionniste est à l'image de Sisyphe. Mais alors que celui-ci se voit infliger son châtiment par les dieux, le perfectionniste se châtie lui-même. Aucune réussite, aucune conquête, nul sommet, nulle destination n'est jamais assez, jamais satisfaisante à ses yeux. Quand il atteint le haut de la pente, quelle qu'elle soit, quand il remporte un succès de telle ou telle nature, il ne s'en réjouit pas, il ne le savoure pas […] Le pendant de l'archétype Sisyphe est le personnage mythique d'Ulysse, roi d'Ithaque qui, dans le récit d'Homère (l'Odyssée), souhaite rentrer chez lui après avoir combattu avec les Grecs contre les Troyens […] Quand il regagne enfin son île après ce long voyage, pendant lequel il aura connu délices et désespoir, gloire et défaites, il retrouve Pénélope, son épouse bien-aimée. En termes psychologiques, Ulysse est un optimaliste. La vie est jalonnée de combats, de tourments et de déceptions, mais l'optimaliste est capable de prendre plaisir au parcours sans perdre de vue sa destination. Il tire des leçons de l'adversité, qui le fait évoluer, et, s'il garde constamment son but à l'esprit (en l’occurrence, rentrer chez soi), il sait aussi savourer ses aventures » (p.123-124).
En comparant le mythe de Sisyphe (vision perfectionniste du monde) et le personnage d'Ulysse (optimaliste ayant su tirer le meilleur de son odyssée), l'auteur nous montre que réussir n'est pas un fait sans importance. En effet, après avoir surmonté les difficultés du parcours, il faut savoir éprouver de la satisfaction lorsque nous atteignons notre but. Or de nombreux perfectionnistes ont du mal à apprécier leurs succès. Certains les refusent en nourrissant des attentes irréalistes et d'autres les dénigrent quand ils les ont remportés par une incapacité à en retirer du plaisir, par un sentiment d'insatisfaction permanente.
Un des meilleurs antidotes aux espérances chimériques est l'ancrage dans la réalité. En étant tout aussi ambitieux que le perfectionniste, l'optimaliste ancre ses critères de réussite dans le réel. Lorsqu'il se fixe des objectifs qui restent dans l'ordre du faisable, il ne met pas la barre trop haute et attire le succès. Il a aussi la faculté de le savourer quand il arrive. La réussite n'est pas « normale » mais doit au contraire être considérée à sa juste valeur. Avoir une vision optimale du monde revient donc à apprécier sa vie : sa propre personne, ses succès comme ses échecs où l'on peut voir autant d'occasions de se perfectionner.
Afin de mettre en application le contenu théorique du livre, l'auteur nous invite à adopter une conduite optimaliste dans les domaines de l'éducation, du travail ou encore de l'amour. Les exercices proposés nous apprennent à exprimer notre reconnaissance envers autrui (car le pouvoir de la gratitude est immense), à catégoriser nos choix pour optimiser notre temps de travail ou encore à ne pas trop s'illusionner en amour.
Les dix « méditations » venant clôturer le livre nous incitent à déplacer notre vision perfectionniste des choses vers une analyse plus nuancée, c’est-à-dire plus réaliste. Ne pas avoir peur de se montrer faible est une des clés de la réussite.
Lorsqu'il en ressent le besoin, l'optimaliste n'hésite pas à recourir à une aide extérieure. Il peut appeler ouvertement « au secours » et demander des conseils à autrui. Les relations vraies nouées avec les autres sont vertueuses : « quand on donne, on reçoit. Les comportements pro-sociaux rapportent leur lot de récompenses. Votre bien-être s'en ressentira, mais aussi votre santé » (p. 290). C'est de cette bienveillance mutuelle, du riche terreau de l'acceptation que peut émerger toute la force, toute la puissance d'action des individus.
L'éloge de l'altruisme ne doit cependant pas nous priver de son ancrage affectif : l'amour de soi. Pour aimer les autres, il faut d'abord s'aimer soi-même. Cela signifie qu'il faut se montrer indulgent avec soi, accepter ses pensées et émotions douloureuses et admettre que les difficultés que l'on rencontre font partie de l’existence. C'est aussi savoir se pardonner quand on obtient de mauvais résultats ou quand on commet une faute, par exemple. L'auto-estime fait merveille et l'apprentissage de la compassion envers soi- même est primordiale pour accéder à un mieux-être.
En opposant perfectionnisme et optimalisme, l'auteur nous fait prendre conscience que la perfection n'est qu'une illusion. En effet, la quête de l'existence parfaite est impossible car inhumaine. Cette recherche d'absolu, qui entraîne dépression, désordre émotionnel et souffrance psychologique, nous empêche d'accéder au bonheur.
Ainsi l'essentiel serait de vivre non en vue d'atteindre la perfection dans chaque situation de la vie, mais d'apprécier le chemin parcouru, bien plus enrichissant. Dès lors, on peut s’entraîner à devenir un « chercheur d'avantages » au lieu de rester un « chercheur de défauts », bref à tirer le meilleur parti de ce qui nous arrive.
Thématique largement exploitée par le monde de l'édition (cf. ouvrages de Mathieu Ricard, Christophe André qui signe la préface de ce livre, etc.), l'accès au bonheur est aujourd’hui plébiscité en Occident.
En abordant cette question de manière détournée par le parallèle établi entre perfection/imperfection, Tal Ben-Shahar nous propose un sujet rarement traité. Il convoque la mythologie, la philosophie, cite divers auteurs et se sert d'anecdotes personnelles (la relation qu'il entretient avec sa femme ou son fils, par exemple) pour illustrer son propos. Chacun peut alors évaluer le rôle négatif du perfectionnisme sur sa propre vie et désirer un « mieux possible ».
Reflétant la société du XXI siècle et le mal-être qui la caractérise (le syndrome du « toujours plus »), ce livre est un excellent outil de travail sur soi, riche d'enseignement et de pratique inspirante.
Ouvrage recensé
– L’Apprentissage de l'imperfection, Paris, Pocket, 2010.
Du même auteur
– L’ Apprentissage du bonheur, Paris, Pocket, 2008.– Apprendre à être heureux, Paris, Pocket, 2010.– Choisir sa vie, Paris, Pocket, 2014.– Conversations avec mon coiffeur : pour aimer la vie, Paris, Pocket, 2018.– Le Bonheur d'être leader, Paris, De Boeck, 2018.
Autres pistes
– Christophe André, De l’art du bonheur : 25 leçons pour vivre heureux, Paris, L'Iconoclaste, 2006.– Christophe André, Petites histoires d'estime de soi, Paris, Éd. Odile Jacob, 2009– Mattieu Ricard, Psychologie positive : le bonheur dans tous ses états, ouvrage collectif, Éd. Jouvence, 2011.