Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Tara Michaël
Alors que le yoga connaît une popularité croissante en Occident, Tara Michaël révèle dans cet ouvrage que la façon dont il est pratiqué est bien éloignée de ses origines véritables. C’est pourquoi l’auteure nous invite à remonter aux sources du yoga pour nous amener à redécouvrir sa profondeur.
Dans cet ouvrage, Tara Michaël nous propose de découvrir les origines indiennes du yoga. D’après sa racine sanskrite, le mot « yoga » signifie « atteler ensemble, unir ».
L’écrivain définit ainsi le yoga comme « l’unification des différents éléments du psychisme humain » (p. 23), mais aussi comme « l’union de l’être individuel au Principe suprême » (Id). Dès lors, l’homme doit harmoniser les différents niveaux de sa personnalité avant de s’unir au « Soi universel », à la « pure Conscience ».
Le yoga nous transmet ainsi une méthode pour nous affranchir de toutes nos limitations et de nos souffrances. Il existe différentes voies dans le yoga : chacun est libre d’en choisir une selon ses affinités et ses capacités. Quelles sont les origines du yoga et ses différentes voies ? Telle est la question à laquelle l’écrivain tente de répondre au fil de l’ouvrage.
L’école classique du yoga se fonde sur le traité de Patañjali, Yoga-S?tra, traduit par le titre « Aphorismes du yoga ». Patañjali n’est pas l’inventeur du yoga, mais il a répertorié les pratiques yogiques de son temps.
Ce dernier évoque d’abord les « facteurs de servitude de l’homme », nommés kle?a. L’homme est en effet ignorant de sa propre nature, qui est « Conscience absolue et inconditionnée » (p. 114). Cette ignorance se manifeste de manière concrète dans l’existence humaine sous les quatre formes suivantes :
- Le sentiment d’individualité ou d’ego ;- L’attachement aux expériences de plaisir ; - L’aversion pour les expériences douloureuses ;- La peur de la mort.
Ces formes d’ignorance sont appelées « sources d’affliction » par les yogin (pratiquants du yoga), car elles conduisent nécessairement à des expériences douloureuses. Le yoga nous aide à atténuer ces différentes formes d’ignorance, jusqu’à les dissoudre complètement.
Au début de sa pratique, le yogin commence à prendre conscience du caractère insatisfaisant de sa vie ordinaire. La pratique yogique engendre ensuite une purification mentale, si bien que les objets ne suscitent plus d’attraction ou d’aversion.
Peu à peu se met en place une forme de détachement et d’apaisement dans l’esprit du yogin. Le détachement suprême est défini par l’écrivain comme une « absolue clarification de la connaissance, dans laquelle ne subsiste plus la moindre trace d’un sentiment de privation ou d’incomplétude. » (p. 115)
La pratique du yoga nécessite une discipline pratique prolongée et régulière. Elle comporte huit étapes, dont les deux premières constituent les fondements :
- La première étape se nomme yama, elle désigne les « refrènements ». Le yogin doit apprendre à maîtriser ses impulsions naturelles. Il doit s’abstenir d’actes de violence et de nocivité en pensées, en paroles ou en actions. il doit ainsi remplacer ses sentiments de haine par de la bienveillance. L’exercice de cette discipline est fondamental et présuppose la reconnaissance de la présence cachée du Soi dans tous les êtres. De même, le yogin doit faire correspondre sa pensée et sa parole à la vérité. Il doit ainsi éviter les prétentions, les exagérations ou les équivoques. Il doit également s’abstenir de voler et de convoiter des choses. Par ailleurs, l’abstinence sexuelle est aussi nécessaire : de la sorte le pratiquant préserve ainsi « la totalité de son énergie sexuelle pour l’utiliser à des fins supérieures » (p. 130). Enfin, le yogin doit cesser de poursuivre des objets de pouvoir et de jouissance, et notamment les biens matériels.
- La deuxième étape se nomme niyama, elle désigne les « observances ».Il lui faut purifier son corps par la propreté corporelle, mais aussi par une attention accrue aux aliments et aux boissons ingérées. L’alcool est proscrit, de même que la nourriture amère, acide, épicée, trop salée et irritante dite râjasique, et la nourriture insipide, réchauffée de la veille dite tâmasique. Le yogin doit privilégier une nourriture sâttvique, composée de céréales, de lait, de beurre clarifié, de fruits, de légumes et de miel. Il est également nécessaire que le pratiquant sache faire preuve de contentement en appréciant ce qu’il a et ce qu’il est. Il doit enfin s’engager dans le yoga avec détermination, étudier le texte védique et offrir toutes ses actions à Dieu.
À la suite à la mise en pratique des deux premières étapes, le yogin peut pratiquer la troisième étape nommée ?sana, désignant la prise de posture :
- La posture rassemble les énergies et fait cesser l’agitation corporelle. Tandis que certaines postures visent à assouplir et à exercer la colonne vertébrale, d’autres postures dites « méditatives » exigent le maintien de la colonne droite sans effort.
- Après l’acquisition de l’?sana, le yogin peut pratiquer la discipline du souffle, appelée pr???y?ma. Cette pratique permet de contrôler l’énergie vitale (pr??a). Par l’attention portée au souffle, le yogin découvre la relation entre la respiration et les états psychiques. C’est pourquoi la maîtrise du souffle conduit peu à peu à la maîtrise de l’esprit.
- Le yogin doit ensuite pratiquer le retrait des sens. Il doit en effet déconnecter ses sens des objets extérieurs en se fermant aux impressions et aux perceptions du dehors. Il se libère ainsi de la sujétion aux sens qui s’agitent constamment et submergent l’esprit.
- L’étape suivante est la pratique de la concentration. Le yogin apprend à resserrer le foyer de son attention en un seul point. Celle-ci doit devenir parfaitement centrée et immobile. - Pour prolonger cette attention, le yogin pratique alors la méditation, permettant à sa lucidité de s’intensifier.
- La méditation permet d’atteindre le Sam?dhi. Le pratiquant se libère ainsi de son identité individuelle, et une autre forme de conscience apparaît. Cette connaissance lui permet de pénétrer au « cœur de la réalité », car les objets sont ainsi appréhendés dans leur essence.
Lorsque le yogin atteint le Sam?dhi, il devient un « délivré-vivant ». Il est alors libéré de toute souffrance et de toute dépendance. Sa conscience n’est plus individuelle, mais elle devient une « conscience-témoin, qui est lucidité et spontanéité pures » (p. 181).
Le yoga de Patañjali s’adresse à des renonçants consacrant toute leur énergie à cette pratique. Mais il existe d’autres voies yogiques accessibles aux hommes du monde, et notamment le Yoga de l’action, défini par la Bhagavad-G?t?.
Pour s’engager dans cette voie, le pratiquant doit commencer par obéir au devoir qui lui est propre dans la société, déterminé par l’ordre social auquel il appartient. La société traditionnelle indienne se fonde en effet sur un ordre social bien établi, organisé autour d’une hiérarchie.
Dès lors, si un individu appartient à la catégorie des brahmanes, son devoir consiste à étudier et à transmettre l’enseignement des Veda (textes sacrés). Le yogin doit donc être conscient de ses capacités et de sa vocation, afin de pouvoir servir la société en offrant le meilleur de lui-même. Quel que soit le domaine dans lequel il exerce, il ne doit pas y chercher son avantage personnel, mais plutôt apporter un service à l’ensemble de la société. La nature du travail accompli a peu d’importance, ce qui compte est qu’il soit exécuté de manière désintéressée. L’action est alors accomplie d’une manière impersonnelle, sans en attendre un résultat ou une récompense.
À travers son action, le pratiquant du karma-yoga trouve la même libération que celui qui pratique le Yoga royal. Cette libération naît du renoncement au désir égoïste. Tout acte et tout service peut alors être considéré comme un sacrifice, une offrande au principe divin.
La voie du Yoga de l’amour est celle « dans laquelle un amour intense permet au yogin de s’élancer jusqu’à la Réalité Ultime et de s’en emparer » (p. 208).
Dans cette voie, le pratiquant doit commencer par méditer sur un objet d’adoration, jusqu’à pouvoir éprouver directement la présence divine dans son propre cœur. Il peut ainsi méditer sur une divinité comme Vishnu, Shiva ou Devi, ou encore sur un symbole ou une image représentant la divinité. Il est aussi possible de méditer sur un sage, un saint ou un guru, mais également sur un symbole visuel comme le soleil ou une flamme, ou enfin sur un symbole auditif comme un nom divin ou un mantra (hymne sacré). Le yogin doit aimer Dieu pour lui-même, de façon désintéressée. Cela implique une absence de sollicitations égoïstes envers la divinité.
Cette adoration peut prendre différentes formes. Le pratiquant peut notamment écouter des textes enseignant les vérités spirituelles, mais aussi chanter des hymnes, des poèmes et des noms divins accompagnés de musique, appelés kîrtana. Il est aussi possible de pratiquer des rituels d’adoration, nommés p?j?, en offrant par exemple une fleur, un fruit ou une coupe d’eau avec dévotion à la divinité.
La pratique de la Bhakti permet d’aboutir à l’expérience de l’amour parfait, appelé preman. L’âme individuelle est alors pleine d’amour divin et s’absorbe en Dieu. Le moi séparé est absorbé dans le « Soi Suprême », et le divin s’exprime à travers tous les gestes et toutes les pensées du yogin. Ce dernier vit alors en yoga, en union.
Le Yoga de la connaissance requiert au préalable des qualifications exigeantes de la part du disciple. Celui-ci doit notamment avoir une connaissance approfondie des textes sacrés, mais aussi posséder une capacité de raisonnement, ainsi qu’une acuité intellectuelle.
Il doit également faire preuve de désintérêt pour les objets de plaisir, avoir atteint une complète concentration de l’esprit, avoir la foi, et ressentir une intense aspiration à la délivrance. Le yogin a ensuite la possibilité de s’approcher d’un véritable guru, par lequel peut s’opérer une transmission de maître à disciple.
La voie de la connaissance consiste à éliminer toutes les fausses conceptions du Soi, tout en révélant ainsi la véritable nature du Soi, qui est la « Conscience ». Le yogin doit alors éliminer tous les faux attributs du Soi, en cessant de s’identifier au corps, aux organes des sens, aux énergies vitales comme la digestion et la soif, à la fonction mentale et à l’intellect. Pour ce faire, le yogin met en place une « discipline de négation, qui consiste à éliminer, par la discrimination, les attributs faussement imputés au Soi, jusqu’à mise à nu de sa véritable nature » (p. 204).
Ce processus de dépouillement permet de dévoiler la « Réalité Suprême », intemporelle et absolue, nommée Brahman. Lorsque l’esprit du yogin se fond entièrement avec celle-ci, cela le conduit au Sam?dhi. L’attachement à l’ego s’évanouit alors.
À travers cet ouvrage, Tara Michaël évoque les véritables sources du yoga, en s’appuyant sur les textes sacrés originels. Elle décrit également les trois grandes voies du yoga : celle de l’action, celle de l’amour et celle de la connaissance.
Néanmoins, ces trois voies se rejoignent puisqu’elles visent toutes un même but : la connaissance et la délivrance par la réalisation du Soi.
L’ouvrage Introduction aux voies du yoga est une lecture recommandée à toutes les personnes souhaitant découvrir les sources authentiques du yoga de manière concise.
Ayant directement accès aux sources sanskrites, et ayant elle-même pratiqué le yoga lors de ses longs séjours en Inde auprès de maîtres authentiques, Tara Michaël transmet un enseignement complet et accessible sur le yoga. La lecture de cet ouvrage semble fondamentale dans la société occidentale, où le yoga revêt principalement une dimension commerciale.
Ouvrage recensé– Introduction aux voies du yoga, Paris, Desclée de Brouwer, 2016.
De la même auteure– Michaël Tara, Le Yoga de l’éveil dans la tradition hindoue, Paris, Fayard, « L’espace intérieur », 1992.– Michaël Tara, Le Joyau du yoga shivaïte, Paris, Almora, « Textes sacrés », 2014.
Autres pistes– Patanjali, Yoga-sutras, Paris, Albin Michel, « Spiritualités vivantes », 1991.