Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Thomas Gordon
Quel parent n'a jamais eu un pincement au cœur au moment de punir son enfant ? Mais se faire obéir relève parfois du parcours du combattant… Ce livre, que l’on doit au célèbre psychologue américain Thomas Gordon, apporte des solutions alternatives au rapport de force et regorge d'idées pour amener ses enfants de 6 à 11 ans à modifier leurs comportements, sans avoir recours ni aux punitions ni aux récompenses, simplement en les responsabilisant.
De nombreuses études montrent que les punitions (mais aussi les récompenses) sont nocives pour l’enfant. Pourtant, la discipline reste la principale préoccupation des éducateurs, au premier rang desquels les parents.
Le psychologue Thomas Gordon démontre dans ce livre, au travers de nombreux exemples concrets et témoignages, pourquoi l’autodiscipline est la méthode qui satisfait parents et enfants, en diminuant les troubles physiques et physiologiques et en augmentant notamment l’estime de soi. Il dispense des techniques pour écouter et mieux communiquer avec son enfant (entre 6 et 11 ans) et fonder ses méthodes éducatives sur la bienveillance et le respect.
À la clé, l’assurance de relations apaisées au sein de la famille, ainsi qu’un meilleur développement social et psychologique pour les enfants.
On confond souvent le nom « discipline » et le verbe « discipliner ». Il s’agit pourtant de deux termes bien différents. Le nom fait référence à un comportement conforme à des règles : par exemple, la discipline dans la classe. Le verbe, quant à lui, signifie soumettre quelqu’un à un ensemble de règles qui garantissent l’ordre. Il a pour synonymes « commander », « corriger », « diriger », « surveiller », « châtier », « réprimander »… S’il distingue la « discipline instructive, qui s’efforce d’influencer les enfants, de la discipline restrictive, qui cherche à les dominer, Thomas Gordon réfute toute légitimité et efficacité à ces méthodes, car fondées sur le pouvoir. Or « on influence davantage les jeunes lorsqu’on ne cherche pas à les dominer ! » (p. 24). À l’inverse, la permissivité est nuisible. Les enfants de parents permissifs se sentent souvent coupables de toujours obtenir gain de cause. Ils doutent aussi de l’amour de leurs parents, leurs comportements ne les rendant pas faciles à aimer.
L’auteur distingue quatre types d’autorité. Primo, l’autorité fondée sur l’expérience, les connaissances et les compétences d’une personne dans un domaine. Exemple : une personne ayant autorité en droit international. « Une autorité bien vue et plutôt inoffensive dans les relations humaines », estime Thomas Gordon (p.32).
Secundo, l’autorité fondée sur la position d’une personne au sein d’un groupe et sur la définition de ses responsabilités. Exemple : le pilote d’un avion commande à son équipage et à ses passagers. « Une autorité généralement respectée par les enfants », pointe Thomas Gordon. Tertio, l’autorité fondée sur les ententes informelles conclues par les personnes au quotidien, parfois au sein de la famille. Exemple : ma femme soigne les plantes, pour ma part je prépare habituellement le petit déjeuner le dimanche matin.
Le dernier type d’autorité est celle fondée sur le pouvoir des uns sur les autres. Un pouvoir qui permet notamment de contraindre une personne à faire des choses contre son gré. C’est ce dernier type de pouvoir qui est utilisé lors de l’utilisation des récompenses et punitions. Dans le cas de ce dernier type d’autorité, Thomas Gordon est catégorique : les enfants (comme les adultes, d’ailleurs) ne la respectent pas. S’ils craignent les manipulateurs de pouvoir, ils cherchent à s’en venger, à leur résister, à les éviter, à leur mentir, et finissent par les détester.
Thomas Gordon livre neuf mythes qui empêchent certains parents de se détacher des méthodes d’éducation fondées sur le pouvoir et d’évoluer vers une relation plus saine.
1. La crainte de « gâter » les enfants. Réalité : la satisfaction des besoins effectifs de l’enfant est une source de satisfaction, de bien-être et de santé.2. Les enfants sont méchants, on doit donc « briser » leur caractère. Réalité : ce sont les punitions sévères qui rendent l’enfant insupportable, révolté, boudeur, en l’endurcissant.3. Les conflits entre adultes et enfants sont insolubles, et ne peuvent se solder que par un rapport de force. Réalité : la méthode sans perdant permet de trouver des solutions acceptables pour les deux parties.4. La discipline punitive s’appuie sur la Bible. C’est ignorer d’autres passages, comme « Aime ton prochain comme toi-même », ou « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fasse. »5. La permissivité est la cause de tous les maux. Réalité : il a été démontré que la punition sème les graines de la délinquance, voire de la criminalité.6. Une attitude démocratique ne mène nulle part. Réalité : les enseignants qui pratiquent cette méthode ont constaté que leurs élèves avaient davantage confiance en eux-mêmes, collaboraient mieux avec leurs camarades, étaient plus à l’écoute des règles et consignes et apprenaient mieux.7. Être parent ou enseignant ne s’apprend pas dans une formation. Réalité : les ateliers « Parents efficaces » mis en place par le docteur Gordon enseignent des procédés et des méthodes qui ont fait leurs preuves pour résoudre les problèmes de communication des familles.8. « Nous avons été élevés comme ça et nous réussissons bien ! » Réalité : ce contrôle empêche les parents d’entretenir des relations chaleureuses et aidantes avec les membres de leur famille.9. À l’école, on a besoin d’une discipline rigoureuse. Réalité : dans des milliers d’écoles à travers le monde, des directeurs et des enseignants compétents ont démontré que les jeunes apprennent davantage, ont un meilleur relationnel et sont plus épanouis dans un mode de fonctionnement coopératif.
De manière plus globale, Thomas Gordon cite plusieurs études selon lesquelles les relations démocratiques au sein d’un groupe (en famille, à l’école, au travail ou au niveau d’un pays) sont des facteurs de santé et de bien-être.
Selon l’auteur, pour être efficaces, récompenses et punitions doivent réunir plusieurs conditions. La récompense doit satisfaire un des besoins de l’enfant ; il doit être dépendant de l’adulte pour l’obtenir ; elle doit être suffisamment importante pour qu’il se soumette à sa volonté.
De plus, elle doit être donnée juste après le comportement souhaité ; dans un premier temps, à chaque fois que ce comportement se répète, puis moins régulièrement ensuite. Mais elle présente divers inconvénients, dont le fait que les enfants adoptent tel comportement jugé positif (par exemple, bien travailler à l’école), simplement dans le but de toucher la récompense.
Parmi les récompenses, Thomas Gordon détaille le rôle des compliments. Pour lui, ceux-ci sont également à éviter car ils cachent la plupart du temps une tentation de contrôle du parent sur la vie de l’enfant. Par exemple, un parent disant à sa fille « tu es tellement jolie dans cette robe », sous-entendant « cette tenue est plus belle que tes jeans ». Il peut aussi ne pas correspondre au jugement de l’enfant, au risque que celui-ci se mette à douter de l’intégrité de l’adulte. Enfin, les compliments intensifient la rivalité entre frères et sœurs et freine la capacité à prendre des décisions.
La punition, quant à elle, doit être suffisamment blessante, frustrante et répulsive pour que l’enfant cesse son comportement. Par ailleurs, il ne doit pas pouvoir y échapper. Utilisées par 84 % à 97 % des parents, les punitions n’en sont pas moins inefficaces, même si, au début, elles peuvent avoir un effet dissuasif. Elles répondent, elles aussi, à certaines conditions : un comportement puni une fois devra toujours l’être à l’avenir, et jamais récompensé ; la punition doit être donnée juste après le comportement indésirable, et jamais en présence d’autres enfants.
Autre point important : pour être efficace, elle doit être justement dosée : trop légère, elle est inutile, l’enfant préférant la subir pour obtenir ce qu’il veut ; trop forte, elle aura des conséquences sur son état physique et psychologique. Ce juste milieu est très difficile à trouver et surtout à maintenir. Les punitions n’apprennent pas l’autodiscipline : sitôt que l’enfant se retrouve seul, rien ne l’empêchera de recommencer. Qui plus est, elles incitent à la violence, en entraînant frustration et donc agressivité. Agressivité, révolte, mensonge, flatterie, repli sur soi, timidité, sentiment d’insécurité ou encore soumission exagérée sont quelques-uns des mécanismes d’adaptation utilisé par les enfants punis.
Enfin, au fur et à mesure que les enfants grandissent, les parents ont de moins en moins de contrôle sur eux.
Première méthode : le message « je » qui, contrairement au message « tu », qui accuse l’autre, exprime le ressenti de la personne face à une situation, sans reproche ni jugement. Il s’agit d’abord de se demander à qui appartient le problème.
Plusieurs options sont possibles : le problème appartient à l’enfant (par exemple, il pleure) ; le problème appartient à l’adulte (l’enfant fait du bruit alors que l’adulte aimerait regarder la télévision en silence) ; il n’y a pas de problème. Lorsque le problème appartient à l’adulte, plusieurs possibilités s’offrent au parent. 1. Découvrir le besoin de l’enfant et le combler. 2. Modifier l’environnement pour que le problème disparaisse (par exemple, placer en hauteur les objets fragiles). 3. Émettre un message « je » visant à exprimer son ressenti face à la situation. Exemple : « Lorsque j’attends aussi longtemps que tu te prépares pour l’école, j’arrive en retard au travail. » 4. Émettre un message « je » de prévention : expliquer son besoin permet de faire comprendre à l’autre en quoi la demande est importante. Exemple : « J’aimerais que tu me préviennes lorsque tu ne prévois pas de rentrer tout de suite de l’école. Je me sentirais plus tranquille. »
Deuxième outil : l’écoute active. Pour aider quelqu’un à changer il faut d’abord l’accepter tel qu’il est, en évitant de lui faire la morale, de le conseiller, le juger, le critiquer (langage de la non-acceptation). Pour montrer à quelqu’un qu’on l’accepte, trois attitudes sont à notre disposition : la non-intervention, l’écoute attentive et l’écoute active. Cette dernière approche se fait en deux étapes. L’adulte écoute le message de l’enfant sans intervenir, puis il le restitue avec ses propres mots, afin de montrer et de vérifier qu’il a bien compris. L’écoute active facilite la communication, véhicule l’acceptation et le respect. Elle incite à parler, à réfléchir et crée une ambiance propice au dialogue et au débat d’idées sans jugement.
Troisième voie : la méthode gagnant/gagnant. Elle se divise en six étapes : identification du problème ; énumération des solutions possibles (toutes les idées sont notées sans jugement) ; évaluation des solutions par toutes les parties impliquées ; choix (à l’unanimité si possible) d’une des solutions restantes ; application de la solution, selon les termes définis pendant quelques jours ou semaines.
Après un certain temps, tout le monde se réunit pour vérifier que la solution convient toujours à tous. Cette résolution de conflit n’est pas une méthode miracle et sa maîtrise demande du temps. Mais au final, tout le monde est écouté et les besoins de chacun respectés.
Via deux outils principaux : le message « je » (l'affirmation de soi) et l'écoute active (fondée sur l'empathie), débouchant sur son outil-phare : la relation gagnant-gagnant, Thomas Gordon prône dans ce livre une alternative entre l’autoritarisme et le laxisme, deux approches aussi inefficaces et nuisibles l’une que l’autre. En proposant une autodiscipline de l'enfant et une coopération avec l'adulte, la « méthode Gordon » permet d'associer l'enfant à sa propre éducation, pour le plus grand bienfait de tous.
Les enfants grandissent heureux quand ils se sentent aimés, éduqués avec bienveillance et respect. Il n'est nul besoin de crier, de négocier, de menacer, de culpabiliser ou de soumettre pour obtenir d’eux ce que l'on désire. Les enfants ont toutefois besoin de règles, lesquelles permettent de définir les droits et devoirs de chacun, sous peine de tomber dans le chaos.
Mais, pour Thomas Gordon, les règles doivent être établies conjointement entre adultes et enfants. La « méthode Gordon » permet d’apprendre à ceux-ci pourquoi ces règles existent et comment les respecter dans la confiance.
Ce livre est à lire pour tout parent se sentant en difficulté, ainsi que pour les professionnels de la petite enfance et de l’éducation, nombreux à s’essayer à la pédagogie Gordon. C’est un sésame pour mieux saisir l'utilité de la verbalisation avec l'enfant, mais aussi pour comprendre les adultes et nos relations sociales vis-à-vis des uns des autres. Bref, Éduquer sans punir est une référence en matière d’éducation bienveillante.
À compléter avec les ouvrages de Marshall Rosenberg (autre chantre de la communication non violente), collègue de Gordon et, comme lui, élève de Carl Rogers. On peut toutefois regretter les nombreuses redites du livre Parents efficaces, également de Thomas Gordon : pour ceux qui l’ont déjà lu, Éduquer sans punir n’est pas indispensable.
Les exemples de situations sont parfois extrêmes et un peu datés (par exemple, la référence au docteur Spock, apôtre du « laxisme éducatif » dans les années 1960). Les lecteurs déjà sensibilisés à la communication non-violente, la PNL (programmation neuro-linguistique) ou à l'analyse transactionnelle (une méthode de communication proposant des grilles de lecture pour comprendre les problèmes relationnels et des solutions pour résoudre ces problèmes) pourraient rester sur leur faim.
Ouvrage recensé– Éduquer sans punir. Apprendre l’autodiscipline aux enfants, Paris, Marabout, 2013.
Du même auteur – Leaders efficaces : communication et performance en équipe, Le Jour, 1995.– Relations efficaces : comment construire et maintenir de bonnes relations, Marabout, 2011.– Parents efficaces : les règles d’or de la communication entre parents et enfants, Paris, Marabout, 2013. – Enseignants efficaces, Paris, De l’Homme, 2016.
Autres pistes– Marshall Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), Paris, La Découverte, 2016.