Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Valentin Decker
Dans un monde en constante mutation, profondément transformé par le numérique, les modèles de pensée traditionnels deviennent obsolètes. Pour y faire face et s’y adapter, il est nécessaire de faire évoluer son état d’esprit : redonner du sens à son quotidien en suivant ses aspirations profondes devient alors possible. La solution est de devenir remarquable, d’être bon dans son domaine et de se différencier des autres en faisant ce qui est rare et difficile. Un processus qui demande d’adopter une attitude active : apprendre, expérimenter et donner le meilleur, tout en faisant preuve de persévérance.
Le monde d’aujourd’hui, gouverné par le numérique, est à la fois plus incertain que jamais et en constante évolution.
Si l’ancien modèle (valeur des diplômes, poste garanti à vie…) a perdu une grande partie de sa valeur, les possibilités sont immenses pour qui parvient à s’adapter aux nouvelles règles. Mais comment ?
En faisant preuve de quatre qualités essentielles : la résilience, la connaissance de soi, la responsabilité individuelle et la volonté de progresser constamment. Car il n’y a « pas de recette magique ni de guide en sept étapes. Simplement un état d’esprit à adopter, des décisions à prendre et du travail » (p. 4).
L’école, selon Valentin Decker, est uniquement conçue pour répondre aux besoins d’un monde industriel, pour préparer des générations d’élèves à exécuter des tâches répétitives, au moyen d’un savoir uniformisé.
Mais l’explosion du numérique a rendu la connaissance accessible à tous, poussant les individus à se différencier, à explorer et à chercher du sens dans leurs activités, notamment via la créativité. Si Internet est le lieu où tout semble possible, où seules les réalisations comptent, l’école, centrée sur la bonne réponse plutôt que sur le processus, ne permet pas d’apprendre à penser différemment pour résoudre les problèmes de notre temps. Pourtant, nombreux sont ceux qui ne parviennent pas à modifier leur modèle de pensée, et qui continuent à faire des choix par défaut.
Le changement est en effet l’une des peurs les plus fortes chez l’être humain. Notre cerveau est « programmé par défaut » pour rechercher le confort. Nous sommes profondément influencés par des croyances limitantes et des biais cognitifs qui réduisent considérablement notre perception du champ des possibles, sans que nous en ayons conscience. Par exemple, nous ressentons plus fortement les pertes que les gains, les arguments allant dans notre sens attirent davantage notre attention, etc. L’emploi salarié est la norme, alors qu’il existe autant de voies à suivre que d’individus. Or face à la profonde transformation du monde du travail, l’auteur fait le constat que l’on peut choisir de vivre dans le déni, ou bien accepter la réalité telle qu’elle est, en s’adaptant aux nouvelles opportunités qui se présentent à nous.
Pour cela, trois étapes sont nécessaires.
La première est la prise de conscience, qui passe d’abord par la remise en cause de sa perception du monde, puis par la construction de sa confiance en soi et de sa capacité à changer les choses.
La seconde étape est l’acceptation de l’idée qu’il s’agit d’un processus long, difficile et qui demande de la pratique.
Enfin, la troisième étape est l’expérience de l’échec, de la frustration, de la déception, mais aussi la reconnaissance de sa propre responsabilité. Se confronter à ces erreurs douloureuses, mais constructives est indispensable pour parvenir à mener une vie en accord avec notre identité, nos goûts, nos valeurs et nos croyances : ce sont eux qui nous aident à donner du sens à ce que l’on entreprend.
Dans le milieu entrepreneurial, la question du sens est abordée et assumée : il s’agit de s’engager dans une activité qui fait sens pour nous, et ce, afin de ne pas subir sa vie.
Ce n’est pas le cas dans les autres milieux. Les statistiques de la motivation au travail sont sans appel : l’immense majorité des salariés Français sont démotivés et désengagés de leur travail. Le travail est perçu comme une activité fatigante, difficile, peu plaisante. Un « vrai travail » apparaît irréel, alors même qu’il nous permettrait de vivre sereinement, en accord avec notre identité et nos aspirations, répondant ainsi à notre Why.
Le Why, c’est la raison qui nous pousse à nous dépasser, à changer les choses, c’est ce qui nous anime et donne un sens à nos actions quotidiennes. Mais s’il se doit d’être authentique et pleinement assumé, le trouver peut prendre plusieurs années. Car le Why se vit : il apparaît au fil des expériences, des frustrations, des échecs, il naît de ces découvertes hasardeuses faites au gré des multiples tentatives qui sont le fruit de notre volonté et de notre enthousiasme. Il nous mène sur la voie de la sérendipité, cet art de faire des découvertes au hasard et de provoquer la chance en multipliant les tentatives, souvent expérimentée dans les milieux scientifiques.
Pour répondre à son Why et se démarquer, il s’agit de « faire de l’art » : développer sa propre créativité afin d’apporter de la valeur aux individus. Pour cela, un seul mot d’ordre : passer à l’action. Comme l’énonce l’auteur, « l’inspiration n’a pas de propriété divine, réservée uniquement à certains privilégiés. L’inspiration vient uniquement à ceux qui font des choses, aussi ridicules et minimes soient-elles. L’inspiration vient à ceux qui ont compris que pour devenir un jour un bon artiste, il faut accepter d’en être un mauvais » (p. 45).
On nous présente sans cesse des Success Stories sans anicroche, alors que le chemin vers le succès est long est inéluctablement jalonné d’échecs et de déceptions. Le succès n’est évident qu’à posteriori. Pour tout entrepreneur, l’échec est une formidable occasion de découvrir ce qui ne fonctionne pas et de faire un pas de plus vers la réussite.
L’accepter et l’analyser de manière froide et lucide permet d’en tirer des apprentissages irremplaçables ; accepter sa part de responsabilité permet de comprendre ses erreurs pour ne plus jamais les reproduire. Se nourrir de ses échecs est un moteur formidable pour qui souhaite devenir remarquable : les échecs développent la flexibilité, la résilience et la capacité d’adaptation.
Car ceux qui réussissent sont ceux qui ont su dépasser ce sentiment douloureux et se remettre au travail. En réalité, l’échec n’est jamais grave. Le risque est de laisser notre ego en faire un désastre personnel et remettre en cause notre valeur en tant qu’individu, alors qu’il ne s’agit que d’une phase provisoire. Les philosophes stoïciens tels que Marc Aurèle peuvent être une réelle source d’inspiration pour atteindre le lâcher-prise et l’acceptation. Nous pouvons d’abord prendre conscience que certaines choses nous échappent, pour finalement accepter simplement cela comme un fait.
Pour Valentin Decker, il faut cesser de gaspiller notre énergie dans des émotions stériles telles que la colère pour mieux nous concentrer sur les aspects sur lesquels nous pouvons réellement agir. Ensuite, se questionner sur ce qui nous rend réellement heureux peut nous amener à nous contenter de peu, sortant enfin de cette course au « toujours plus » capable de nous piéger et de nous éloigner de notre Why. Enfin, il est important de se demander : que peut-il nous arriver de pire si l’on échoue ? En réalité rien n’est jamais insurmontable, on peut toujours se relever.
Il est ainsi important d’introduire du changement dans notre quotidien professionnel, tenter de nouvelles expériences en s’orientant spécifiquement vers ce qui nous fait peur : cela rend la surprise et l’incertitude supportables, et nous rend plus résilient. La « flexibilité persistante », c’est-à-dire la capacité de bâtir un plan puis de s’en éloigner au fil des opportunités si nécessaire, est une qualité irremplaçable dans le monde actuel. S’immuniser au risque en sortant chaque jour de sa zone de confort permet d’agrandir significativement son champ des possibles.
Valentin Decker considère que de bonnes habitudes sont déterminantes pour réussir.
Cependant pour réduire la fatigue mentale et nous permettre d’atteindre le maximum de nos capacités, elles doivent être personnelles, construites et améliorées au fil des expériences. Il n’y a pas de formule magique, pas de règle, hormis celle de travailler quotidiennement et de faire preuve de persévérance. L’important est de donner le meilleur de soi-même et de se demander chaque jour comment devenir meilleur que la veille, dans une volonté de progrès constant. Devenir remarquable prend du temps ; et plus la valeur est grande, plus cela demande de la patience. Il est aisé de se laisser décourager par la masse brute de travail à accomplir pour atteindre notre but.
Découper nos objectifs en étapes et en tâches quotidiennes, même si ces dernières peuvent sembler insignifiantes, permet de dépasser le fonctionnement automatique du cerveau. En effet celui-ci a tendance à préférer un résultat immédiat aisé à atteindre, plutôt qu’un résultat à long terme qui demanderait de l’implication. De plus, se concentrer sur un objectif précis peut nous mener à adopter une attitude passive, calquant notre niveau de bonheur sur le fait d’atteindre ou non cet objectif ; un résultat qui, à fortiori, ne peut dépendre entièrement de nous. Il s’agit de placer toute son attention sur la tâche en cours et de donner le meilleur de soi jusqu’à l’avoir achevée, puis de passer à la suivante. Ainsi, petite victoire après petite victoire, la réussite devient une conséquence logique des efforts réalisés dans la durée. Notre routine induit une discipline détachée autant qu’il est possible de ce qui ne dépend pas de nous. La loi de Darren Hardy confirme cette stratégie :
Micro-actions × Régularité × Temps = Changements radicaux
Cette routine, à laquelle on peut se rattacher lors des inévitables moments de doute et des échecs que l’on rencontrera, ne peut être que personnelle. Valentin Decker prend ainsi pour exemple le rythme d’écriture de plusieurs de nos grands écrivains : « Honoré de Balzac écrivait entre 1h et 8h du matin puis entre 9h30 et 16h. Il dormait en général de 18h à 1h. Gustave Flaubert écrivait de 21h30 à 3h du matin. Il lisait de 14h à 19h. Victor Hugo écrivait uniquement de 18h à 20h » (p. 75). Quelles que soient nos routines, l’important est d’avancer régulièrement et au maximum de nos capacités, car le succès est avant tout le produit d’un socle solide nourri par le travail quotidien.
Le syndrome de l’imposteur apparaît lorsqu’on se lance dans une activité qui nous conduit dans les limites de notre zone de confort. Il nous amène à nous questionner sur le bien-fondé de notre action, sur notre légitimité à entreprendre. C’est non seulement normal, mais aussi parfaitement sain : à nous de le transformer en levier, en source de motivation pour ne jamais cesser de progresser, sans oublier qu’il nous restera toujours une infinité de choses à apprendre.
Au-delà de la confiance en soi, il est important de connaître ses limites, de savoir se remettre en question et de reconnaître que l’on ne sait rien, comme l’illustre John Archibald Wheeler en évoquant les rivages de notre ignorance qui grandissent en même temps que l’île de notre connaissance.
Dans ce contexte, il est essentiel de ne pas se laisser enivrer par son ego et de garder la tête froide, car tout peut s’effondrer du jour au lendemain. Placer le curseur entre polyvalence et spécialisation, avec justesse et souplesse, est ainsi l’enjeu de notre quotidien. Traverser une phase d’exploration peut s’avérer d’une grande aide dans cette démarche. Il nous sera ainsi possible de déterminer nos aspirations, à faire l’examen du flux de nos compétences et des caractéristiques du marché.
Le Self-Made-Man est un mythe : nul ne s’est fait tout seul. Les autres sont indispensables à notre succès. Au quotidien, il peut s’avérer très productif de passer un maximum de temps avec les personnes qui ont une influence positive sur nous, et qui nous poussent à progresser pour donner le meilleur de nous-mêmes. Cultiver et soigner son réseau, s’ouvrir aux autres, aller à la rencontre de son marché, accepter l’aide des bonnes personnes au bon moment et rechercher la qualité plutôt que la quantité des relations sont autant de démarches qui nous aideront à créer de puissantes alliances.
Dans ce premier livre, Valentin Decker livre une précieuse synthèse de ses lectures et de ses réflexions. Pour saisir les opportunités exceptionnelles offertes par le numérique, nous devons nous adapter à ce monde en perpétuel changement.
Devenir remarquable implique avant tout de se connaître soi-même et de découvrir son Why à travers l’expérimentation. Multiplier les échecs, s’immuniser au risque et développer sa résilience nous poussent à nous améliorer sans cesse, à ajuster avec souplesse nos compétences en fonction de la demande du marché.
Ce n’est pas tant l’objectif final qui compte, puisqu’il peut évoluer à tout moment, soumis à des influences extérieures, mais le socle solide des habitudes et de l’effort quotidien. Faire ce qui est rare et difficile demande du temps, de l’humilité et une persévérance à toute épreuve. Mais vivre en accord avec ses aspirations profondes est infiniment précieux.
Cette lecture se situe à la croisée des chemins entre développement personnel et entrepreneuriat : il est destiné à modifier et améliorer un état d’esprit, non à glaner des compétences techniques concrètes ou un mode d’emploi pour réussir dans les affaires.
Il s’agit donc d’une mine de citations inspirantes, de références, de concepts et de soft skills, ces outils personnels et qualités humaines utiles pour qui souhaite s’adapter et se démarquer dans le monde d’aujourd’hui – mais aussi oser changer de vie. Le discours tenu est percutant, motivant et en phase avec l’environnement actuel.
Valentin Decker a su enrichir son livre de quatre témoignages inspirants qui apportent quatre mises en pratique uniques des outils qu’il présente : ces interviews détaillent des parcours très différents et illustrent agréablement le type d’état d’esprit à adopter pour devenir remarquable.
Un texte enrichissant qui constitue une bonne introduction pour un lecteur désireux de changer de paradigme. Malgré certaines faiblesses purement formelles dues à une relecture un peu rapide, c’est un livre qu’on aura plaisir à lire et relire au fil de son évolution.
Ouvrage recensé– Valentin Decker, Devenir remarquable à l’ère du numérique : Comment choisir de ne pas mener une vie par défaut et avancer avec ambition ?, 2018.
Autres Pistes– Seth Godin, Purple Cow, London, Penguin, coll. « Business », 2005.– Adam Grant, Osez sortir du rang ! : Comment les esprits originaux changent le monde, Paris, De Boeck Supérieur, 2016.– Ryan Holiday, The Obstacle is the Way : The Ancient Art of Turning Adversity to Advantage, London, Profile Books Ltd, coll. « Business / Psychology », 2015.– Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, Les Belles Lettres, coll. « Romans, Essais, Poésie, Documents », 2015.– Peter Thiel, De zéro à un, J. C. Lattès, coll. « Essais et documents », 2016.