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Expédition créative

de Valentin Decker

récension rédigée parFabienne Matuszynski-CamposRédactrice, correctrice, chargée de projets communication et édition.

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

Dans l’imaginaire collectif, la créativité se réaliserait sous l’impulsion d’une inspiration de l’ordre du génie. Cette vision est erronée et trompeuse. Or ce décalage peut générer de vrais blocages, la peur et le doute pouvant pousser le créateur en herbe à se trouver des excuses pour renoncer. Pourtant, ces deux sentiments font partie intégrante du processus créatif, un chemin long et tout sauf linéaire que le créateur devra suivre étape par étape. Cet ouvrage a pour objectif d’accompagner le travail créatif, quel qu’il soit, dans ses différents stades.

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1. Introduction

Le travail créatif, quel qu’il soit, est fait de rigueur, de discipline, de dépassement de soi et de remise en cause personnelle – en cela, le créateur est son propre ennemi puisqu’il sera toujours tenté de céder, d’une manière ou d’une autre, au doute et à la peur. La seule solution pour aller au bout d’un projet créatif est d’adopter le bon état d’esprit, mais aussi et surtout de s’armer pour entrer dans ce processus long et difficile.

Pour ce faire, Valentin Decker nous propose d’adopter une attitude de professionnel face à son projet, de se focaliser entièrement sur lui sur la durée, ou encore de mettre volontairement en place une routine créative qui permettra d’accumuler les heures de pratique délibérée passées à faire progresser ses compétences.

2. Comprendre et déjouer les pièges du fonctionnement humain

Toute création suit une courbe instable, non linéaire. La nature de cette courbe peut venir à bout de toute tentative si le créateur n’est pas armé pour l’affronter. Ainsi, la phase de démarrage d’un projet créatif génère un surplus d’excitation qui peut nous amener à rester piégé dans le rêve sans pouvoir passer à l’action, ou encore à renoncer dès que l’enthousiasme initial se confronte aux premières difficultés : « la recette pour réussir ses projets est composée de discipline, de régularité et de consistance. Il n’y a ni certitude ni équation qui fonctionne à tous les coups. Mais il s’agit du chemin le plus fiable et le plus court » (p.5).

La peur et le doute font partie du processus : ils sont le signe visible de l’importance qu’on peut accorder à un projet, et ils ne disparaîtront jamais. Il nous appartient dès lors de les accepter pleinement. Le doute peut être perçu comme une force nous désignant de nouveaux territoires à explorer, nous poussant sans cesse à nous améliorer. Les créateurs à succès sont ceux qui persévèrent et acceptent le doute comme faisant partie de la création, sans pour autant se laisser submerger. Car il est important de ne pas laisser des circonstances extérieures influencer notre travail créatif. Il est donc inutile d’attendre un hypothétique bon moment pour se lancer. En réalité, nous ne serons jamais vraiment prêts et les circonstances parfaites ne seront jamais au rendez-vous. Le bon moment, c’est maintenant.

L’objectif premier de tout processus créatif est de dépasser le fonctionnement naturel de notre cerveau. « Quand on crée, le danger réside rarement dans le marché ou la concurrence ; il se trouve au fond de nous-mêmes. Peu importe ce que l’on fait, nous sommes notre plus grand ennemi. C’est ce que l’auteur Steven Pressfield appelle ‘‘la Résistance’’, cette force invisible qui nous empêche de créer. Celle-ci peut se manifester sous plusieurs formes : la solitude, la difficulté du processus, la peur des critiques, le syndrome de l’imposteur, etc. » (p.4).

Ainsi, il faut se rappeler que la création relève d’un choix, d’une volonté qui nous est propre ; et surtout qu’elle répond à cet idéal personnel profond et sincère qui sera notre cap tout au long de l’aventure. Et garder à l’esprit que finalement, même si les idées sont disponibles de manière presque infinie, l’opportunité réside dans le fait que peu de personnes vont au bout de leurs projets.

3. Le pouvoir des habitudes

L’étape la plus difficile est de se mettre au travail : « C’est entre l’instant où l’on se dit que l’on va travailler et le moment où l’on s’y met réellement que tout se joue » (p.48). Il s’agit d’une manifestation de la Résistance. Pour en venir à bout, il faut d’abord se souvenir que le cerveau est conditionné par ses habitudes, puis s’en créer de nouvelles sous la forme d’une technique pour se mettre au travail. On peut commencer par de petites choses, que l’on répètera quotidiennement, le but étant de se mettre en action, en mouvement. Pour que notre projet puisse avancer, il faudra également s’en donner les moyens.

Et cela commence par le fait de réserver concrètement dans notre quotidien le temps et l’énergie nécessaires. Valentin Decker propose ainsi de cumuler deux visions : l’une à court terme (actions quotidiennes) et l’autre à long terme (objectifs à atteindre) ; c’est le « concept d’intérêts cumulés » (p.72).

Nous sommes façonnés par nos habitudes. Pour mener à bien notre projet et lutter contre la Résistance, la clé est de mettre en place un cadre de travail sous la forme de routines créatives. Répéter les mêmes gestes chaque jour permet en quelque sorte de reprogrammer son cerveau. Pour créer, il faut mettre en place des plages régulières de concentration intense, ce qui nécessite une déconnexion totale, souvent mal tolérée à notre époque. S’observer dans un premier temps nous permettra de découvrir notre fonctionnement propre en déterminant quelles sont les heures les plus productives de notre journée et toutes les spécificités de nos rythmes personnels (horaires, conditions de travail, etc.).

Mais les compétences et le savoir-faire ne se construisent pas grâce au plaisir ou aux astuces. « La recette pour réussir nos projets ? Adopter une démarche constante d’effort, de dépassement de soi et de recherche de progrès. C’est grâce à la pratique rigoureuse, disciplinée et consciencieuse sur le long terme, que l’on peut devenir très bon dans notre domaine » (p.75). Il s’agit d’une démarche difficile, voire douloureuse, qui demande de la patience et une détermination absolue. Devenir obsessionnel, s’impliquer sans retenue, être dans l’action et créer chaque jour, construire son quotidien autour de cette priorité pour que la réussite de son projet soit au centre de nos actes et de nos pensées est le seul moyen d’y parvenir.

4. Aborder son projet comme un professionnel

Il s’agit de reconnaître l’amateurisme pour mieux l’éviter, et ainsi pouvoir se comporter comme un professionnel face à son projet. Un amateur se laisse facilement distraire, procrastine, aime se plaindre, rejette la faute sur les autres, et surtout recherche les conditions parfaites pour se mettre enfin au travail. Valentin Decker conseille donc de commencer dans l’inconfort. Selon lui, à trop vouloir bénéficier de conditions de travail optimales, on aura tendance à céder à la Résistance et à ne jamais se mettre au travail.

L’auteur conseille de se concentrer sur le processus lui-même plus que sur l’objectif final, d’autant plus si on se situe dans le creux de la vague créative, lorsque l’excitation des débuts a cédé la place au doute face à la somme de travail restant à accomplir, et que malgré nos efforts nous ne sommes pas encore assez compétents pour atteindre nos objectifs. La seule chose à faire est alors de rechercher l’inconfort, voire la douleur.

En effet, ces deux sensations sont d’une part le signe flagrant d’un progrès à accomplir ou d’un apprentissage à intégrer, et d’autre part elles nous montrent que l’on est bien sur la voie d’une réussite à long terme ? et non pas d’une gratification instantanée. « Quand on s’inscrit à un marathon, on ne le fait pas pour qu’un taxi nous dépose à la ligne d’arrivée. On le fait d’abord parce que l’on aime le chemin et la souffrance qu’il nous procure » (p.101). On découvrira alors le plaisir et la satisfaction dans l’effort jusqu’à tomber amoureux du processus créatif et repousser ses limites.

Pour devenir un jour un très bon artiste, il faut d’abord accepter d’être un débutant. S’inspirer du travail des autres, l’étudier voire l’imiter, est une étape préalable incontournable lorsque l’on souhaite développer un point de vue unique, original, reconnaissable. C’est un processus de maturation qui prend du temps. Pour autant, perdre de l’énergie à se comparer aux autres ou à les jalouser est un comportement anxiogène qu’il faudra à tout prix éviter : l’auteur conseille de se concentrer uniquement sur ses propres aspirations et sur le fait de donner chaque jour le meilleur de soi-même.

Dans le même état d’esprit, il préconise de choisir avec soin les personnes dont on s’entoure : autres créateurs qui comprennent et partagent notre démarche, personnes qui nous poussent à persévérer malgré les difficultés, mentors qui nous inspirent et nourrissent notre créativité.

5. Miser sur le temps long

Nous vivons dans une culture de l’immédiateté, en recherche permanente du confort à court terme. Or ce qui a de la valeur se construit forcément sur le long terme : carrière artistique, réussite entrepreneuriale, maîtrise d’un art ou d’un savoir-faire… Lorsqu’on s’engage dans un processus créatif, il faut « résister à la pression du court terme » (p.24) et accepter de ne pas tirer de gains immédiats de nos actions, en se demandant quelle graine on peut planter aujourd’hui pour récolter plus tard – dans quelques années, voire quelques décennies...

Valentin Decker conseille ainsi de toujours choisir la transformation à long terme, un choix contre-intuitif puisque notre cerveau est programmé pour choisir le plaisir à court terme. La Résistance se manifeste d’autant plus dans un projet créatif, car les fluctuations parfois brutales et soudaines entre enthousiasme et doute sont à même de venir à bout de toute motivation : il faut apprendre au plus tôt à reconnaître ce réflexe et à s’en prémunir. « Ce que l’on appelle le ‘‘talent’’ se construit grâce à l’effort, la persévérance et la pratique régulière sur le long terme. Ce qui compte, c’est d’être animé par une soif constante d’amélioration et de dépassement de soi » (p.94). C’est en moyenne après dix ans de pratique délibérée et d’effort quotidien (la « décennie silencieuse », p.125) que les plus grandes réussites éclatent publiquement et que leurs créateurs sont perçus comme des personnes ayant réussi du jour au lendemain.

En adoptant une attitude professionnelle, en acceptant la nature du travail créatif, on devient plus résistant et on se met à aborder la création comme un affrontement. Cela implique de rester constamment au contrôle, à la recherche de solutions, de progressions et d’améliorations quelles que soient les circonstances– dont finalement, il ne nous appartient pas de nous préoccuper.

Mais parfois, le processus créatif ne prend pas. La culture entrepreneuriale clame souvent de ne jamais abandonner, de toujours persévérer. Pourtant, dans certaines situations, abandonner, c’est ouvrir la porte à d’autres options plus prometteuses. Il nous appartient d’avoir la sagesse de déterminer si nous sommes dans le creux de la vague créative, une étape normale et nécessaire, ou si le projet est en train de s’éteindre – et de prendre la décision la plus adaptée. C’est pourquoi il est important dès le départ de se fixer les conditions d’un éventuel abandon.

6. Construire la visibilité de sa création

L’idée même du marketing autour d’un projet créatif est inconfortable pour beaucoup de personnes. Pourtant, une création artistique a vocation à rencontrer son public, à voir son message exprimé, à permettre à son concepteur de continuer à créer. Il faut voir le marketing comme un outil servant à « créer des relations durables avec les gens, en les aidant à résoudre un problème qu’ils rencontrent » (p.51). Un projet créatif est par essence très personnel ; pourtant il est important de bien concevoir en amont son « produit », sa cible. Car notre projet créatif sera le fruit d’une combinaison unique et impossible à anticiper entre nos envies, nos compétences et les besoins de notre audience en termes de valeur à apporter ou de problème à résoudre.

« Une audience de fidèles de notre travail est le meilleur avantage compétitif à long terme que l’on peut construire » (p.57). Il n’est pas utile de chercher à plaire à tout le monde : dans le monde actuel régi par Internet, un millier de vrais fans suffit pour pouvoir vivre de ses créations ? si c’est une audience fidèle et engagée, qui nous suit virtuellement, avec qui l’on a pris le temps de construire une solide relation dans la durée.

C’est pourquoi il est important de construire sa communauté au plus vite, de devenir incontournable dans son domaine, de développer un style unique, un discours tranché que notre public aimera et qui pourra générer des réactions. Cette démarche permet de valider dès le début le fait que le projet créatif plaît à son public et répond à un besoin. L’objectif est donc d’obtenir dès le commencement du projet un retour des fans (commentaires, avis, vues, écoutes, partages…), mais aussi de générer des réactions, positives comme négatives, afin de souder cette communauté autours de valeurs communes.

Réussir un projet créatif, c’est enfin le présenter au monde, et savoir faire face à sa réussite comme à son échec. Plus on approche du moment de la publication, plus la Résistance est puissante et active la peur, le doute et la gêne en nous sous l’influence du cerveau reptilien, responsable des réflexes. Or l’acte de publication représente la victoire finale contre la Résistance. Et même si l’on va poursuivre notre démarche marketing, le sort de notre projet n’est désormais plus entre nos mains. Peu importe l’issue, nous devons être fiers de nous et considérer cette étape dans notre carrière créative comme une immense opportunité de grandir.

7. Conclusion

Valentin Decker compare la création artistique à une aventure incroyablement satisfaisante, mais longue et difficile. Il ne fait pas mystère des aspects moins séduisants du processus. La création est possible et accessible à tous, mais ce travail demande une implication intense et durable ainsi qu’une grande combativité, rendant cette activité comparable à la pratique d’un sport de haut niveau ou à l’acquisition d’un savoir-faire artisanal.

La principale difficulté, c’est nous-mêmes. C’est pourquoi il propose une approche du travail créatif fondée sur la discipline, la régularité, la recherche du dépassement de soi, l’expérimentation, la progression constante, la résilience et l’acceptation des sentiments négatifs. Il prône une attitude inspirée du stoïcisme consistant à se concentrer uniquement sur ce que l’on peut contrôler, c’est-à-dire ses propres actions – l’action étant le seul remède à la Résistance.

8. Zone critique

Cet ouvrage se nourrit de la culture entrepreneuriale et créative de son époque mais aussi des particularités du parcours personnel de son auteur, ce qui en fait une ressource très actuelle dans le fond comme dans la forme. Valentin Decker se fonde sur son expérience d’auteur, ce qui oriente le plus souvent son propos vers l’écriture ; toutefois ce livre s’adresse bel et bien à tous les créateurs qui sauront se l’approprier.

La métaphore du voyage maritime est filée tout au long du livre, rendant le propos sympathique et clair. Son approche peut sembler a priori peu séduisante puisqu’elle repose sur la résilience, le temps long, l’effort et même la douleur ; pourtant, elle ne saurait être plus pragmatique. La façon dont il aborde les (nombreuses et intenses) difficultés spécifiques au travail de création peut rebuter les moins motivés ; il a toutefois le mérite d’être transparent et de présenter la réalité des coulisses de la création. Quoi de mieux pour se lancer dans un tel projet que de savoir exactement ce qui nous attend ?

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Valentin Decker, Expédition créative. La patience, l’ambition et la rigueur du travail bien fait, Independently Published, 2019.

Du même auteur– Devenir remarquable à l’ère du numérique : Comment choisir de ne pas mener une vie par défaut et avancer avec ambition ?, 2018.

Autres pistes– Julia Cameron, Libérez votre créativité, Paris, J’ai Lu, coll. « Aventure secrète », 2007.– Ryan Holiday, The Obstacle is the Way: The Ancient Art of Turning Adversity to Advantage, Profile Books Ltd, coll. « Business/Psychology », 2015.– Onur Karapinar, Petites habitudes, grandes réussites. 51 pratiques inspirantes pour devenir la meilleure version de soi-même, Paris, Eyrolles, 2019.– Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Romans, Essais, Poésie, Documents », 2015.– Simon Sinek, Commencer par le pourquoi. Comment les grands leaders nous inspirent à passer à l’action, Performance, 2015.

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