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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Du merveilleux caché dans le quotidien

de Étienne Guyon, José Bico, Étienne Reyssat et Benoît Roman

récension rédigée parAgnès Bourahla-FarineDiplômée de l'ESJ de Lille. Journaliste scientifique (Biologiste Infos/Passeport santé).

Synopsis

Science et environnement

La robustesse de la nacre des coquilles, le son produit par le frottement de l’archet sur les cordes du violon, la solidité d’une arche de pierre ou l’extrême souplesse de la perche du sauteur : toutes ces petites choses qui forment notre quotidien ou qui se cachent dans la nature recèlent une forme de beauté. Celle-ci s’explique, notamment, au travers des lois de la physique. C’est à partir de tels exemples que l’ouvrage éclaire des notions comme la tension et la compression, l’hygrométrie produisant de l’élasticité, la mécanique à l’œuvre dans la solidité d’un pont.

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1. Introduction

Qu’il s’agisse de constructions humaines ou naturelles, d’audacieux mécanismes physiques se cachent derrière les éléments et phénomènes du quotidien, les plus anodins comme les plus complexes. C’est ainsi qu’un château de sable tient en place grâce à la capillarité des gouttes d’eau qui s’immiscent à travers les grains, ou qu’un nid d’oiseau tient sa rigidité de multiples enchevêtrements de brindilles savamment orchestrés.

D’ailleurs, les chercheurs ne s’y trompent guère, qui s’inspirent des étonnantes capacités de la nature afin d’améliorer des matériaux ; c’est ce que les scientifiques nomment le bio-mimétisme. Des ponts à la tour Eiffel, des grains du verre aux ruptures au cœur de la matière, la physique du quotidien recèle une indéniable beauté et une créativité sans égale.

2. Derrière les constructions humaines

Une arche plus que millénaire se dresse à l’entrée du stade d’Olympie en Grèce : le début du couloir voûté, bâti en pierre et datant du VIIIe siècle avant notre ère, est encore intact. Même principe à l’œuvre pour le fameux « Pont de pierre » et ses 17 arches, à Bordeaux : tous les blocs, placés en demi-cercle, subissent pratiquement la même charge, d’une part le poids de l’arc en lui-même, d’autre part celui de son chargement, transformé, par la courbure, en compression tout au long de l’arche.

Cette compression est gage de stabilité, car elle empêche les pierres de glisser les unes par rapport aux autres. « Les forces de compression importantes sont reportées latéralement sur les larges piles verticales qui prolongent les arcs de voûte » (p.76). En effet, sans ces piles, la poussée horizontale aurait tendance à écarter les arches, les amenant à l’écroulement. Lorsque plusieurs arches sont accolées, comme c’est le cas pour les ponts, il faut alors prévoir des structures destinées à contenir la pression au niveau des dernières arches.

Les constructions humaines ne cessent, à l’instar des arches ou des ponts, de repousser les limites de la physique : la tour Eiffel, érigée pour dominer l’Exposition universelle de 1889, devait alors afficher l’audace des ingénieurs et le triomphe de la révolution industrielle. Gustave Eiffel insiste : « les conditions imposées par la résistance aux forces sont conformes aux conditions secrètes de l’harmonie » (p.26). Grâce au matériau employé, le fer, il devient en effet possible d’aller beaucoup plus haut que l’obélisque de Washington, d’une hauteur de 169 mètres, car le poids du granit dont celui-ci est constitué provoque l’affaissement des sols.

À ces hauteurs, le principal ennemi des ouvrages est le vent. Passionné de forces aérodynamique, Gustave Eiffel inventera aussi le principe d’une soufflerie, « qui servira à réaliser des essais pour l’aviation naissante » (p.28). De fait, la forme nouvelle de la tour Eiffel, avec ses quatre arêtes s’évasant vers la base, présente une architecture intrigante dont le but est de mieux résister au vent.

Même les combles du château d’Azay-le-Rideau, pour lesquelles la tenue des poutres obliques est assurée par une pièce horizontale en tension ainsi qu’un mât vertical, s’appuient sur des principes physiques qui assurent leur équilibre.

3. La physique des nids d’oiseaux

Mais dans la nature aussi, l’élégance est à l’œuvre au sein des mécanismes physiques qui s’esquissent. Un premier exemple nous est donné par la toile d’araignée : elle « associe des fils radiaux rigides qui la tendent et des fils disposés en cercle, plus aisément déformables, qui piégeront l’insecte imprudent » (p.92). Ces deux types de câbles ne présentent pas les mêmes atouts mécaniques : les câbles radiaux offrent une résistance pouvant atteindre celle de l’acier (pour les araignées du genre Nephila), conséquence de la structure moléculaire de la soie, faite de protéines rigides et de parties amorphes ; à l’inverse, la soie qui spirale autour de la toile offre une élasticité remarquable.

L’un des plus beaux exemples de merveille architecturale produite par la nature est celui des nids d’oiseaux : leur secret de fabrication réside dans la friction entre les brindilles ! De fait, « Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle, invitait déjà, dans une démarche biomimétique, à s’inspirer de ces bâtisseurs ailés » (p.112). Une grive, par exemple, élabore avec minutie la construction de son précieux nid. Après une amorce réalisée sur la fourche d’un arbre, elle dispose tiges et petites branches en croisillon.

Ensuite, cet échafaudage est renforcé de brins d’herbe et de feuilles : ils garantissent la cohérence de l’ensemble ainsi qu’un bon camouflage. Pour rigidifier le fond, l’oiseau le tapisse alors de mousse ou de boue. Le tisserin masqué fabrique quant à lui un réel ouvrage de vannerie : avec son seul bec, il noue des brins d’herbe et tisse ! Expertes en maçonnerie, les hirondelles élaborent leur nid en agrégeant des boulettes de boue.

Comment un assemblage de brindilles et de fibres tient-il debout ? Si l’oiseau utilise parfois des éléments liants, la résistance de l’assemblage est due à la friction des éléments entre eux. Et lorsque les tiges sont tressées, « la pression induite par l’entrelacement augmente considérablement l’intensité des forces de friction au niveau des contacts » (p.115).

Pour des ouvrages humains tels que les tissus, les propriétés mécaniques sont aussi dues à l’enchevêtrement des fils. Ces tissus défient parfois les lois de la géométrie : la coupe d’une étoffe dans le biais permet alors de couvrir un corps tout en courbes !

4. Se dresser contre la gravité

Végétale ou construite, toute structure sur Terre doit, pour s’élever, s’opposer à la gravité. Et ainsi, la verticalité de la tige d’une fleur est assurée par la compression : celle-ci induit en même temps une infime réduction de sa hauteur. Dès que la tige s’écarte légèrement sur le côté, son poids tend à la faire pencher encore plus, ce qui provoque un effet de levier. Les physiciens qualifient ce phénomène d’instabilité de flambage. La résistance à la flexion s’oppose à cette instabilité : dans la tige, cette résistance est assurée par l’eau qui gonfle les cellules. Mais l’instabilité de flambage est universelle et concerne presque tous les matériaux.

En effet, tout type de tige se courbe si sa charge dépasse une valeur seuil : l’effondrement soudain des deux tours du World Trade Center à New York, lors des attentats du 11 septembre 2001, en est un terrible exemple. « L’incendie des avions a considérablement amoindri la résistance des poutres verticales en acier de la structure. L’instabilité de flambage des poutres internes a conduit à l’affaissement violent du niveau supérieur, entraînant par la suite l’effondrement du bâtiment dans sa globalité » (p. 216).

À l’opposé de ce flambage, qui est progressif, il existe également une instabilité brusque et irréversible. Certaines plantes l’utilisent pour produire un mouvement vif afin d’éjecter leurs graines. Ce type d’instabilité peut d’ailleurs sauver des vies humaines, au cours d’un accident de voiture : en effet, en cas de choc, les structures périphériques des voitures s’écrasent en accordéon, ce qui endommage la carrosserie et dans le même temps absorbe une phénoménale quantité d’énergie. Ce phénomène d’instabilité brutale est récurrent dans notre quotidien : il explique notamment le confort d’un matelas en mousse, qui épouse nos formes sans augmenter la pression aux endroits où il est le plus déformé.

5. Des mécanismes qui mettent la matière en mouvement

Sergueï Bubka et Renaud Lavillenie : deux athlètes dont on peut voir les corps s’arracher du sol pour s’élever pieds en avant et franchir la barre en l’effleurant... Le saut à la perche est une belle illustration de la matière se mettant en mouvement : l’énergie acquise lors de la course d’élan du sportif est transformée en énergie de flexion de la perche, puis sera restituée, propulsant l’athlète vers le ciel. De fait, la perche agit comme une catapulte, et les matériaux assurant sa souplesse mêlent désormais des fibres de verre ou de carbone à une résine qui assure la cohésion de l’ensemble.

C’est le même effet catapulte qui est mis en œuvre, par exemple, par la sauterelle : « En repliant ses longues pattes vers l’arrière, l’animal stocke de façon progressive de l’énergie élastique. En libérant un cliquet, la sauterelle active alors un mécanisme de décrochage brutal qui détend ses pattes à une vitesse inaccessible à ses muscles… La hauteur du saut représente jusqu’à cent fois la taille de l’animal ! » (p. 227)

Autre phénomène témoignant de la matière en mouvement : la danse des pommes de pin. Celles-ci, en effet, pour libérer leurs graines, s’ouvrent et se ferment en fonction de l’humidité de l’air. Lorsqu’elles sont emplies d’eau, les pommes de pin restent closes, et leurs écailles s’ouvrent lorsqu’elles sèchent, ce qui libère les graines et assure leur dispersion. Ces mouvements hygroscopiques s’expliquent par une structure en bilame. Le principe ? « Le bois externe foncé gonfle fortement avec l’humidité ambiante, tandis que le bois clair y est beaucoup moins sensible. » (p. 234). Et ainsi, lorsque deux lames sont posées l’une sur l’autre et que seule l’une d’elles gonfle au contact de l’eau, une courbure apparaît spontanément, car la première lame s’allonge davantage que la deuxième dont la dilatation reste plus faible.

En s’inspirant de ce modèle de la pomme de pin, les déformations différentielles d’un matériau peuvent permettre de fabriquer des capteurs ou même des objets actionnés par les variations d’humidité. C’est notamment le cas pour certains vêtements de sport, constitués de tissus contenant des écailles en bilame qui s’ouvrent afin de laisser respirer une peau transpirante.

6. Ruptures : ces brisures qui en disent long

Il y a plus d’un million d’années, nos ancêtres produisaient de premiers bifaces grossiers dans du silex. Au fil du temps, la taille s’est raffinée : l’apparition de l’andouiller, par exemple, un percuteur en bois de cervidé particulièrement dur, permit un écaillage plus précis sur les deux faces du silex. Grâce à ces brisures mieux dirigées, les outils produits furent de plus en plus tranchants. Si les diamants fabriqués aujourd’hui sont assez analogues dans leur forme, leur taille ressemble peu à l’élaboration des silex. La tâche est d’autant plus complexe que le diamant est le matériau le plus dur qui existe. Il est taillé par impact dans certains plans, puis scié, usé, poli. En quelque sorte, les artisans et artistes de la joaillerie sont à la fois opticiens, géomètres et mécaniciens…

Les déchirures d’une affiche peuvent intéresser à la fois l’artiste et le physicien. Et ainsi, l’œuvre de Jacques Villeglé évoque un vol d’oiseau… Il s’agit en fait d’un morceau de palissade recouvert d’affiches superposées, dont les passants ont arraché des pans. Les déchirures, comme pour celles des tomates ébouillantées, présentent toujours une forme pointue. « Souvenez-vous de la dernière fois où vous avez tenté de détacher un ruban adhésif de son rouleau – une expérience souvent très frustrante. Si on échoue à décoller la bande sur toute sa largeur, il est quasiment impossible de rattraper son coup : le lambeau rétrécit en prenant précisément cette même forme triangulaire, encore plus difficile à détacher ! » (p. 278)

De fait, l’universalité de ces déchirures en pointe est tout simplement due à la minceur de la feuille. L’une des propriétés de films minces est qu’il est beaucoup plus facile de les plier que de les étirer… Et des mécanismes de déchirure semblables s’opèrent à l’échelle microscopique, dans les feuilles les plus fines jamais réalisées : celles du graphène, constitué d’une seule couche d’atomes de carbone disposés en hexagone, qui laisse envisager de multiples applications technologiques.

Enfin, d’éloquentes craquelures parsèment le tableau de la Joconde : une présence liée à l’existence de fortes contraintes de tension dans le matériau…

7. Conclusion

La physique du quotidien est aussi élégante qu’elle est étonnante. Elle permet des prouesses, explique des phénomènes aussi anodins que les plis d’une feuille de papier froissée ou les déchirures sur une affiche collée qui peuvent la transformer en véritable œuvre d’art. Elle décrit l’origine de l’éclatement des bulles dans un verre de champagne, ou encore de la solidité de la nacre des coquillages, empilement de plaquettes d’aragonite unies par un mortier souple.

La physique explique la solidité ou l’élasticité, décrypte la constitution des matériaux, régit la fabrication du béton et sous-tend, via le phénomène de capillarité, la stabilité d’un château de sable. Finalement, on pourrait dire que la science agit, dans la nature comme dans les constructions humaines, en artiste. Ces phénomènes sont régis par des ajustements si infimes, des mécanismes si précis qu’ils en deviennent merveilleux, et même poétiques.

8. Zone critique

Du merveilleux caché dans le quotidien a reçu en 2019 le prix du livre scientifique Paris-Saclay. Il décrit la physique dans un genre qu’elle aborde rarement : celui du quotidien. Des explications précises, détaillées, permettent de comprendre pourquoi, par exemple, il est intéressant d’étudier les déchirures… Car de tels phénomènes peuvent, entre autres, conduire un chercheur comme Benoit Roman, l’un des auteurs de ce livre, à inventer, à créer : il a notamment breveté une « spirale exponentiellement divergente » visant à en finir avec ces emballages qui ne veulent jamais s’ouvrir... Autre audace non dénuée d’intérêt que guettent les chercheurs en physique : la reproduction de phénomènes naturels dans des applications humaines, ce qu’on nomme avec justesse le bio-mimétisme.

Un autre intérêt de cet ouvrage réside dans les petites expériences à mettre en œuvre pour tester les notions évoquées. En effet, chaque chapitre se termine par des essais à réaliser soi-même, permettant de mettre à l’épreuve les phénomènes physiques à partir d’éléments très simples et concrets tels que du sucre, de l’eau, des bandes de papiers…

En définitive, il semblerait que les matériaux n’ont pas fini de nous surprendre : le graphène, notamment, mono-couche d’atome de carbone, est très prometteur en termes d’applications techniques. Il semblerait également que des chercheurs aient tout récemment réussi à produire de l’hydrogène sous forme métallique, au synchrotron Soleil, sur le plateau de Saclay (résultats publiés en 2020 dans la revue Nature)… Une première depuis cette idée émise il y a 80 ans par le prix Nobel Eugene Wigner : à très haute pression, l’hydrogène se comporte comme un métal conducteur. Comme nombre de découvertes de la recherche fondamentale en physique, les applications pratiques pourraient être là, à terme.

Quelques-unes de ces promesses : conduire l’électricité sans perte, ou encore développer un carburant spatial. Bref, dans tous ses états, la physique n’est jamais loin de nous… Soutenir la recherche fondamentale par davantage de fonds et moins de contraintes administratives pour les chercheurs serait une pierre non négligeable à apporter à cet édifice.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Du merveilleux caché dans le quotidien, La Physique de l’élégance, Paris, Flammarion, 2018.

Autres pistes– Cédric Ray et Jean-Claude Poizat, La Physique par les objets quotidiens, Paris, Belin/Pour la science, coll. « Bibliothèque scientifique », 2007.– François Graner, Robin Kaiser, Antonin Marchand et Thomas Salez, Petits problèmes de physique. Du quotidien au laboratoire, Paris, Dunod, coll. « Sciences sup », 2011.– Jacques Duran, Sables émouvants. La physique du sable au quotidien, Paris, Belin/Pour la science, coll. « Bibliothèque scientifique », 2003.– Joanne Baker, 50 clés pour comprendre la physique, Paris, Dunod, 2017.– https://blog.espci.fr/merveilleux/2018/12/24/la-tete-au-carre/ (émission sur France Inter).

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