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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Napoléon, chef de guerre

de Jean Tulard

récension rédigée parBruno Morgant TolaïniEnseignant à l'université de Nîmes et docteur de l’EHESS en histoire moderne.

Synopsis

Histoire

La guerre était au cœur de l’histoire napoléonienne. Ce furent les victoires d’Italie et d’Égypte qui portèrent le général Bonaparte au pouvoir et ce fut une défaite en Belgique qui l’en chassa. Son génie politique était inséparable de son génie militaire. Ce dernier tenait à sa capacité à s’entourer d’excellents officiers, au lien très fort entre le chef et ses hommes. Napoléon maîtrisait également l’art de la propagande, grâce aux journaux et aux bulletins qu’il faisait écrire. Il accordait aussi une grande importance au renseignement : connaître le terrain et connaître l’ennemi, et être capable de s’adapter aux plans de l’adversaire en changeant les siens. C’est ce chef de guerre hors pair que nous fait découvrir Jean Tulard.

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1. Introduction

Les études sur les campagnes napoléoniennes sont plus nombreuses que celles sur les institutions créées par l’empereur. Par leur ampleur géographique, couvrant l’Europe de l’Espagne à la Russie, ainsi que l’Égypte et la Syrie, elles impressionnent. Pourtant, si une partie de l’héritage du Consulat est parvenu jusqu’à nous, il ne reste rien des conquêtes impériales si ce n’est quelques traces de l’influence du Code civil sur certaines législations européennes et des monuments à la gloire de la Grande Armée.

Incontestablement, le génie militaire de l’empereur a bien plus fasciné que son génie politique. Voilà donc un sujet sur lequel on pensait avoir tout dit : Napoléon, ses campagnes et ses batailles. Les ouvrages et les historiens ont longuement commenté les erreurs de Waterloo ou les prouesses d’Austerlitz, tout comme les stratégies ou les tactiques mises en œuvre.

Partant de toutes ces études, Jean Tulard propose un panorama aussi complet que possible de cette épopée guerrière. Il montre comment Napoléon préparait la guerre, la façon dont il la menait à travers les différentes campagnes de Prusse ou de Pologne, et pourquoi il fut finalement vaincu par l’Angleterre.

2. La formation de l’empereur

La pensée militaire de Napoléon fut d’abord formée à l’École militaire de Paris où il entra en 1784. On y apprenait alors des matières comme les mathématiques, la géographie ou le droit, et les exercices englobaient le maniement du fusil ou les principes de la marche militaire. Mais la théorie de la guerre était absente. Il en sortit seulement une année plus tard, ce qui fut d’autant plus bref pour acquérir un savoir approfondi.

Sa formation fut poursuivie au cours de ses nombreuses lectures en garnison : Bonaparte a su puiser son inspiration dans les grands auteurs militaires. Il prit notamment des notes des Mémoires du marquis de la Vallière, à propos des principes de l’artillerie et notamment des avantages des pièces longues qui portent plus loin et tirent plus juste. Des idées de Frédéric II de Prusse qu’il admirait, il retint le principe d’une guerre courte et totale.

Napoléon lut également les théoriciens de son temps, et en premier lieu de Guibert, qualifié par Jean Tulard de stratège de salon, autrement dit un homme qui n’était pas un grand capitaine victorieux sur les champs de bataille. Il en tira des leçons au sujet des avantages d’une armée de métier, plus apte à s’adapter aux techniques nouvelles. Mais le maître de Bonaparte fut incontestablement Du Teil, commandant de l’école d’artillerie d’Auxonne. C’est de lui qu’il apprit l’usage du canon révolutionné par Gribeauval et dont l’objet était de détruire une partie du front adverse pour y assurer une trouée par laquelle pouvait s’engouffrer l’offensive. À toutes ces lectures s’ajouta également celle des Anciens, de César à Machiavel.

Le génie militaire de Napoléon était donc le fruit de nombreuses réflexions favorisées par la vie de garnison qu’il a connue jusqu’en 1793, quand il n’était pas en Corse. Il se développa aussi dans l’action, lors de la première campagne d’Italie (1796-1797). Dans ses écrits, l’empereur mit en avant le bon sens et les leçons du passé. Il considérait qu’il fallait prendre modèle sur les grands conquérants comme Alexandre ou Annibal. Bonaparte, chef de guerre, eut ainsi de nombreux maîtres à penser.

3. Se préparer

Les victoires de Napoléon furent avant tout le résultat d’une préparation minutieuse. C’est dans l’organisation dont il fit preuve que se révéla la première facette de son génie. En campagne, Napoléon prenait toutes les décisions seul, avant, pendant et après les opérations. Lorsqu’il était à Paris, le centre de décisions était le palais des Tuileries. Jean Tulard passe en revue les hommes qui entouraient l’empereur au ministère de la guerre ou à l’état-major, comme les maréchaux et généraux à la tête de ses armées, dont la nomination lui incombait.

De la même manière, le plan était élaboré par Napoléon seul, sans aucun conseil. Il dormait peu et passait ses nuits, plongé dans des cartes, éclairé par des chandelles et déplaçant des épingles à tête de couleurs différentes pour simuler le mouvement des troupes, ou calculant les distances avec un compas. L’ouvrage passe également en revue le statut des simples soldats, qu’ils fussent français ou étrangers. L’empereur ne les choisissait pas, c’était la conscription (un héritage du Directoire) qui les lui fournissait. Napoléon disposait donc, dès l’origine, d’une armée nationale et non de troupes de mercenaires. La formation des conscrits se faisait rapidement : huit jours pour apprendre à monter et démonter le fusil, le charger et tirer. Mais parfois le temps manquait et nombreux furent les soldats instruits sur le terrain, notamment en 1813 et 1814.

La préparation de la guerre nécessitait également des renseignements et une bonne cartographie du terrain. Un domaine dans lequel l’empereur ne laissait non plus rien au hasard, ce qui lui permettait de s’assurer l’avantage sur ses adversaires. Les meilleurs agents sur lesquels Napoléon s’appuyait étaient les ambassadeurs. C’est ainsi qu’il fut prévenu depuis Berlin en 1806 d’une imminente entrée en guerre de la Prusse.

Il s’appuyait également sur les informations recueillies auprès des habitants des territoires concernés, bien qu’elles fussent moins fiables, et sur celles contenues dans des courriers interceptés. Mais rien ne valait les espions, c’est-à-dire les agents qu’il parvenait à infiltrer dans le camp adverse.

4. Faire la guerre

Dans la seconde partie de son ouvrage, Jean Tulard offre une bonne synthèse des grandes caractéristiques des campagnes napoléoniennes. Il rappelle l’importance des manœuvres militaires, Napoléon ne procédant pas avec des forces concentrées, mais étalées et se déplaçant avec une rapidité inhabituelle pour l’époque. Les actions se divisaient le plus souvent en deux phases : dans un premier temps, l’armée se déployait comme un filet destiné à enserrer l’ennemi.

Ensuite elle se concentrait, non moins rapidement et par surprise, de façon à obtenir la supériorité face à un ennemi qu’elle avait déjà enveloppé. La puissance de l’offensive était la clé de la stratégie de l’empereur. Une fois la manœuvre achevée, l’armée prenait position pour la bataille. Mais souvent, les manœuvres permettaient de limiter les batailles en obtenant rapidement la capitulation de l’ennemi comme à Ulm en octobre 1805 ; ce sont elles qui permirent les succès des campagnes impériales. Chaque fois, l’empereur était en retrait, mais s’efforçait d’avoir une bonne vision des opérations.

Le corps d’armée fut la principale innovation impériale. Regroupant trois ou quatre divisions d’infanterie, avec une division de cavalerie légère et une artillerie, il était une véritable armée miniature. Cela lui donnait une grande souplesse, utile dans les manœuvres. L’infanterie et l’artillerie jouaient d’abord un rôle déterminant ; la cavalerie avait le plus souvent pour objectif, plus tard, de forcer un ennemi déjà fatigué.

En revanche, lorsqu’il était encore dans de bonnes dispositions, la cavalerie était inefficace, à l’image de la célèbre charge commandée par le maréchal Michel Ney dans la plaine de Waterloo. Elle pouvait cependant jouer un rôle important dans la poursuite des ennemis et transformer une retraite en déroute comme ce fut le cas en 1806 à la bataille d’Iéna. Elle permettait, en outre, de faire de nombreux prisonniers, dont le sort n’était réglé par aucune convention.

Ceux-ci étaient généralement correctement traités, comme l’étaient également les blessés. Toutefois, les insuffisances des services de santé expliquaient que nombreux soient décédés.

5. Conclure la paix

La conclusion de la paix était inséparable de la déclaration de guerre. Le militaire faisait alors place au diplomate. Ainsi, une fois la bataille d’Austerlitz gagnée le 2 décembre 1805, Napoléon reçut le lendemain le baron de Lichtenstein venu solliciter l’armistice. Il en accepta le principe, puis rencontra l’empereur François en personne et les négociations débutèrent. Le ministre des Relations extérieures, Talleyrand, qui engagea les discussions, obtint l’acceptation des conditions françaises de la part de l’Autriche. Le traité de Presbourg fut signé le 26 décembre 1805.

Mais Napoléon fut mécontent de son ministre, qu’il estimait ne pas avoir été assez exigeant sur le montant des réparations de l’Autriche. Jean Tulard explique en ce sens que l’empereur ignorait que Talleyrand s’était en réalité fait payer par Vienne en échange de sa modération.

En 1807, ce fut au tour de la Prusse d’être vaincue. L’armistice fut signé le 21 juin et le 25, la première entrevue entre le tsar et l’empereur eut lieu sur un radeau au milieu du fleuve Niémen. Le 7 juillet, toujours par l’entremise de Talleyrand, le traité de Tilsit fut signé entre la France et la Russie, dont la Prusse fit les frais en perdant une partie de son territoire. La paix ne fut toutefois que de courte durée, car la guerre reprit avec François en 1809. Celle-ci se termina par une lourde défaite de l’Autriche qui fut soumise à des amputations de territoires et à une lourde contribution de guerre.

La campagne de Russie, elle, ne se termina pas par un traité de paix. À partir de 1812 en effet, il n’y eut plus de négociations conclues par un accord entre l’empereur et les monarchies coalisées contre la France, en dehors de l’armistice de Pleiswitz du 4 juin 1813 entre la France et les forces russo-prussiennes après les victoires françaises de Lützen et Bautzen.

En 1814, les combats se déroulèrent sur le sol français. La guerre prit fin sur l’abdication de Napoléon sans condition, le 6 avril, et la signature du traité de Fontainebleau qui accordait à l’empereur la souveraineté de l’île d’Elbe. Talleyrand accepta les conditions du traité de Paris qui mettait fin à la guerre européenne. Mais la paix était précaire et le 1e mars 1815, Napoléon débarqua à Golfe-Juan et la guerre reprit. La défaite de Waterloo fut suivie, en novembre 1815, du second traité de Paris qui durcissait les conditions du premier.

6. La défaite

L’ouvrage passe également en revue les échecs de Napoléon. Dans sa guerre contre l’Angleterre qui s’acheva sur le désastre de Waterloo le 18 décembre 1815, deux raisons sont mises en avant pour expliquer la défaite : l’absence d’une flotte qui puisse rivaliser avec la Royal Navy, et la méconnaissance de l’empereur des règles de la guerre maritime. Une île détient forcément un avantage face à une armée conquérante. Pourtant, sous Louis XVI, la marine française n’avait rien à envier à sa rivale, mais la Révolution française l’avait considérablement désorganisée et elle ne fit pas le poids.

L’échec espagnol est également analysé par l’historien. En 1808 en effet, les troupes de l’empereur furent confrontées à un nouveau type de guerre, la guérilla, où l’élément passionnel abolit toute règle, toute morale, tout respect de l’adversaire. Subitement, les soldats de métier se trouvaient désarmés face à cette violence aveugle. La bataille classique avec ses deux armées face à face parut brusquement caduque. En outre, l’absence de Napoléon dans la péninsule et le manque de coordination des généraux sur place empêchaient la mise en place d’une contre-guérilla efficace. Jean Tulard analyse cet épisode de la période napoléonienne comme un échec politique : l’empereur n’a pas compris que sa volonté de soumettre l’Europe à ses lois ne pouvait que conduire à des réactions nationales qui ont transformé la guerre codifiée en mouvement populaire et révolutionnaire, sans règle.

Enfin, la guerre psychologique est abordée. Malgré le travail entrepris par ses propres propagandistes, Napoléon ne parvint pas à lutter contre les caricaturistes, notamment anglais. Dès son abdication, les pamphlets se répandirent en France dans lesquels l’Empire était copieusement critiqué, bien que la bravoure de ses soldats fût constamment soulignée. C’est ainsi que les opposants à l’empereur se déchaînèrent, et d’abord les monarchistes, laissant une empreinte tenace dans l’historiographie de la période, et dans la place occupée par l’Empire dans les programmes scolaires.

7. Conclusion

Les guerres napoléoniennes se résument en définitive à un affrontement franco-anglais. Prussiens et Autrichiens ne furent jamais en mesure d’inquiéter vraiment Napoléon, et celui-ci n’aurait pas échoué en 1812 en Russie si son souci de remporter une victoire décisive à la manière d’Austerlitz ne l’avait conduit à s’enfoncer dans les plaines pour prendre Moscou plutôt que Saint-Pétersbourg. L’Angleterre fut le véritable adversaire de Napoléon et le conflit opposa deux stratégies : l’attaque à outrance de l’empereur fut mise à mal par la stratégie défensive de Londres, qui finit par gagner.

Enfin, Jean Tulard rappelle que si Napoléon laissait une France légèrement diminuée sur le plan territorial par rapport à 1789, si l’élan démographique du pays fut ralenti en raison de la guerre, le pays ne sortit pas ruiné de ces guerres.

8. Zone critique

L’ouvrage proposé est riche : les informations sur la guerre et sur la manière dont elle était menée par Napoléon sont abondantes et, en cela, la promesse de Jean Tulard de proposer un regard nouveau sur la période est respectée.

On pourra regretter que la dernière partie, qui concerne les défaites de l’empereur, laisse de côté les raisons de l’échec des campagnes de 1812 à 1815. Probablement parce que tout avait été dit sur le sujet dans d’autres études, dont certaines menées par Jean Tulard lui-même ? La légende napoléonienne apparaît toutefois dans ce livre remarquablement écrit et facile d’accès. Une abondante bibliographie le complète.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé

– Napoléon, chef de guerre, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2015.

Du même auteur

– Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1988.– Napoléon, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2011.– La France de la Révolution et de l'Empire, Paris, PUF, 2014.– Le Grand Empire : 1804-1815, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque de l'évolution de l'humanité », 2009.

Autres pistes

– Stéphane Béraud, Bonaparte en Italie. Naissance d’un stratège, Paris, Giovanangeli éditeur,1996.– Alan Forrest, Déserteurs et insoumis sous la Révolution et l’Empire, Paris, Perrin, 1988.– Philippe Prost, Les forteresses de l’Empire, Paris, Éditions du moniteur, 1991.– Jean-François Lemaire, Les blessés dans les armées napoléoniennes, Paris, Lettrage, 1999.– Jean Thiry, La campagne de Russie, Paris, Berger-Levrault, 1969.

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