Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Joseph Messinger
Sous-titré « La bible illustrée pour décoder le sens caché de tous les gestes », cet ouvrage est un guide pratique, organisé par mots clefs et par ordre alphabétique à la façon d’un dictionnaire. Il décrypte ce que nos gestes disent de nous et comme l’affirme l’auteur, « il suffit d’un geste minuscule pour trahir les paroles majuscules. » Que révèle la façon dont nous croisons les jambes ou les bras, dont nous regardons l’autre, dont nous nous asseyons ou nous nous tenons, dont nous serrons la main ? Qu’y a-t-il de signifiant dans les accessoires que nous arborons, bagues et chaînes, chaussures, chapeaux, lunettes, cigarettes ? Que dit de nous notre coiffure, notre démarche, notre gestuelle « dentaire » ? Pour ceux et celles que la psychologie comportementale intéresse, cet ouvrage est une mine d’informations sur ce que révèle notre gestuelle.
Les êtres humains disposent de deux formes de langage : la parole et la gestuelle. Dans certains cas, notre parole et nos gestes expriment une réalité opposée, et ce sont bien nos gestes qui « disent la vérité » parce qu’ils sont le reflet de nos émotions. Si nous prêtons une réelle attention à la parole et au message verbal, nous ne savons pas toujours que les gestes qui l’accompagnent prennent, dans certains cas, une signification tout autant essentielle pour celui qui écoute. Il y aurait ainsi deux niveaux nécessaires de lecture de l’information transmise, le fond du message oral, et une autre dimension, émotionnelle, instinctive, plus sincère, que sont les gestes. Car trop souvent, « le mot occulte la dimension gestuelle qui lui sert de décor » (p. 7).
D’un côté, la parole est le reflet de la conscience, de l’autre, la gestuelle est le miroir de l’inconscient. Les gestes sont pourtant un mode de communication, un langage à part entière, qui ont, à la différence du discours verbal, l’avantage d’être objectif et vrai. À la différence des mots qui « ne pensent pas ce qu’ils disent », qui reconstruisent la réalité, la gestuelle, réalisée de façon inconsciente, ne peut pas « mentir ». Les gestes peuvent ainsi révéler l’état d’esprit dans lequel nous sommes vraiment. Assez étonnamment, nous retrouvons ces postures et ces gestes inconscients chez tous les êtres humains, au-delà même de leurs origines géographiques, ethniques, culturelles, religieuses.
Et s’il nous est possible de « gommer » certains de nos tics gestuels, il nous est impossible de chercher à supprimer du registre de la communication ces gestes qui sont « l’émanation silencieuse de notre pensée » (p. 10) Alors même, si selon l’auteur, 80% de nos gestes et de nos postures corporelles peuvent être difficiles à interpréter en fonction du contexte, il est important d’y être attentif parce qu’ils peuvent être signifiants dans la recherche de la vérité.
Les jambes font partie d’un vaste champ de la gestuelle. Par leurs positions, elles représentent tout un spectre du langage non verbal, peut-être le plus connu et le plus décrypté, en premier lieu par les comportementalistes, mais également par les recruteurs. Les jambes permettent à l’être humain de se déplacer, elles sont « les ailes de la liberté de mouvement, le siège de la maîtrise de soi ». (p. 239)
Alors symboliquement, la façon dont nous nous tenons debout, dont nous nous asseyons, dont nous croisons les jambes debout ou assis, est un indicateur précieux de notre état d’esprit. Par exemple, l’impatience, aussi appelée « les jambes sans repos », est, de ce point de vue, une pathologie assez intéressante à décrypter. Car elle serait, pour celui qui en souffre, une façon d’être agressive, inconsciente, qui révèlerait une personnalité impatiente d’atteindre un objectif sans se donner le temps d’y arriver. À l’instar de nombreux adolescents qui en sont atteints, les personnes aux « jambes sans repos » seraient manifestement des êtres immatures. L’hyperactivité incessante des jambes aurait pour but de régler les difficultés de façon « magique » sans mettre en œuvre de stratégie consciente et réfléchie pour parvenir à résoudre le problème.
Phénomène beaucoup plus courant et commun, le croisement de nos jambes est le thermomètre de nos humeurs en temps réel. Mais ce geste, apparemment simple, peut s’interpréter de bien des façons. C’est une équation à multiples facteurs. Il est directement commandé par l’amygdale située dans notre cerveau limbique. Ce cerveau « émotionnel » joue aussi un rôle essentiel dans certaines de nos émotions telles que l'agressivité, la peur, le plaisir… des émotions qui sont elles-mêmes filtrées par le cerveau droit. Ainsi, selon que l’on est un homme ou une femme, que l’on est droitier ou gaucher, croiser sa jambe droite sur la gauche a des significations différentes : positive pour un homme droitier, négative pour une femme droitière, et inversement…
Croisement des jambes à hauteur de cuisse, jambe « boa », « cariatide », en « équerre », jambes croisées en X lorsque l’on est debout, selon que l’on parle de jambe droite ou gauche, pour un droitier ou un gaucher, un homme ou une femme, ce sont ainsi tout autant de postures gestuelles qui montrent notre ouverture ou notre fermeture à l’autre, notre degré de confiance, notre maitrise de la situation.
Les yeux sont le miroir de l’inconscient. De nombreuses études l’ont révélé. Lorsque nous rencontrons une personne pour la première fois, ses yeux peuvent nous transmettre des sensations, des émotions, un ressenti très hétéroclite : méfiance ou confiance, sécurité, bien-être, peur… Le regard, par son intensité, exprime autant son ressenti émotionnel que les pensées qui le traversent. Les pupilles ne peuvent pas mentir, tel est le postulat de l’auteur.
Elles se dilatent ou se rétractent en fonction des informations qu’elles reçoivent, et cette réaction ne peut, en aucun cas, être une réaction consciente. Lorsque l’œil reçoit une information qui lui « plaît », la pupille se dilate alors plus ou moins légèrement, et inversement, comme si l’œil voulait ne plus voir… « En lumière constante, la dilatation de la pupille intervient quand la conscience d’un individu est envahie par un désir ou un plaisir massif. Réaction biomécanique, cette dilatation en lumière constante trahit la satisfaction d’un plaisir. » (p. 373)
Plus étonnant, la taille de la pupille de chaque individu étant un indicateur de son état d’esprit, il y aurait des profils de personnalité en fonction de l’ouverture de leurs pupilles. Le profil mydriase, avec une pupille plus dilatée que la moyenne, révèle quelqu’un de positif, de motivé, d’enthousiaste, plutôt tourné vers le bonheur et « l’ici et maintenant ». Le profil myosis, à l’inverse, et sa pupille plutôt rétractée, est une personnalité stressée, angoissée, qui n’arrive pas à profiter du moment présent, mais se projette sans cesse dans un avenir incertain. Il est le carriériste, l’ambitieux, l’opportuniste, voire le misanthrope.
Pourtant, ce n’est pas forcément une fatalité, car chacun d’entre nous pourrait influer sur une plus grande dilatation de ses pupilles, et donc son profil, en apprenant à cultiver des pensées positives, à travailler un savoir-être plus zen, plus serein, plus optimiste…
Les mains sont extrêmement « bavardes », elles sont un mode de communication non verbal essentiel, et pour certains d’entre nous, « parlent » autant que les mots exprimés. Et nul besoin de tenter de les faire taire, si elles ne peuvent s’exprimer directement, d’autres parties du corps prennent le relais, la tête, les sourcils, les jambes… « Elles sont avant tout le siège symbolique de toute communication entre les hommes. Cette allégation est tellement vraie qu’il est quasi impossible à une large majorité des gens de convaincre sans le concours de leurs mains. » (p. 279)
En fait, les mains soutiennent la parole, voire renforcent les propos, comme si la parole seule n’était pas suffisamment forte pour faire passer un message. Au-delà de ce soutien, elles ont un langage qui leur est propre qui exprime l’état d’esprit mental réel de celui qui parle. Alors qu’une personne est en train de parler, les mains peuvent « dire » autre chose, parfois en totale contradiction avec les propos. Parce que pour l’auteur, l’esprit, relayé par les mots, et le corps, avec la gestuelle des mains, ne veulent pas dire la même chose. Les mains peuvent révéler à l’auditoire le mensonge verbal en train d’être prononcé lorsque l’orateur, par exemple, tente de les cacher ou de les rendre immobiles. Le langage de nos mains est extrêmement riche et diversifié, et il en existe de nombreuses variantes.
Ainsi, il y a les « mains centripètes » qui ont tendance à se rapprocher sans cesse du corps de celui qui parle. Cela peut révéler un caractère égocentrique, qui a tendance à ramener tout à lui, mais aussi une personne qui se sent victime tout en restant dans l’inaction. Lorsqu’un orateur ne cesse de se frotter les mains, comportement souvent utilisé par les hommes d’affaires, et aussi appelé geste de Ponce Pilate, cela témoigne d’envies chroniques. Une personne qui ne cesse de faire passer ses mains de gauche à droite évoque, au contraire, un caractère indécis… L’analyse du langage des mains est particulièrement pertinente dans la sphère politique et médiatique. Elle permet, au-delà de la qualité oratoire, d’en savoir plus sur la personnalité de l’homme ou de la femme politique, sa sincérité, son état d’esprit, ses émotions…
Si la gestuelle fait partie du langage non verbal, les accessoires que l’on porte, chapeaux, bijoux, chaussures, ou encore les tatouages, font pleinement partie d’un message symbolique véhiculé par notre inconscient. Les bagues ne constituent pas seulement des parures qui embellissent le corps de la femme ou de l’homme qui les portent.
Comme nos vêtements, ou tous les accessoires que nous portons, le choix de porter des bagues n’est pas le fruit du hasard de la coquetterie. Selon le type de bagues et à quels doigts elles sont portées, « elles traduisent le mode de fonctionnement psychoaffectif de celles ou ceux qui les affichent naïvement au vu et au su de tous. Rien de moins innocent qu’une bague ou plusieurs ornant fièrement un ou plusieurs doigts. » (p. 53)
Parce que pour le comportementaliste, chacun de nos dix doigts représente une symbolique propre : le majeur gauche est le doigt « identitaire par excellence » qui représente l’estime de soi, l’annulaire gauche, la passion, l’implication affective les émotions, le pouce droit, le désir, sexuel au sens premier du terme ou plus largement la motivation, l’auriculaire droit, la vanité, la curiosité, l’ambition…
Il existerait donc un langage secret des bagues qui, en fonction des doigts bagués, de leur nombre, et de leur combinaison, reflèterait la personnalité psychique des personnes qui les portent. Il n’existerait pas moins de quarante-cinq interprétations symboliques de base pour une personne portant deux bagues à chaque doigt… et plus de 1 000, si une personne portait dix bagues à chacun des doigts ! Ainsi, avoir une bague à chaque auriculaire, gauche et droit, révélerait une personnalité mystique, exaltée, conflictuelle, revendicatrice.
Porter des bagues au majeur et à l’index de la main gauche serait le signe d’une femme jalouse ou d’un homme possessif et obstiné. Un(e) hyper narcissique porterait des bagues au majeur gauche et au pouce droit… Et plus nous aurions de bagues aux doigts, plus nous serions matérialistes et consuméristes !
Comme le langage parlé, la gestuelle est un mode de communication totalement indépendant partagé par tous les êtres humains. Et si les mots sont le reflet de l’esprit, de notre conscient, les gestes sont eux l’expression de nos émotions, de notre inconscient. La gestuelle a un intérêt majeur que la parole n’a pas, c’est que son langage ne peut mentir puisque nous ne pouvons pas le contrôler. Il intervient à notre insu. La gestuelle est, pour le comportementaliste, une forme de sous-titrage de nos propos.
Parfois, elle est là pour appuyer ce que l’on exprime quand nous « parlons vrai ». Dans le cas contraire, et c’est très souvent le cas, nos gestes contredisent notre parole comme pour rétablir, d’une façon ou d’une autre, la vérité. Et c’est bien pour cela que les gestes sont extrêmement intéressants à décoder, car ils permettent de confirmer ou d’infirmer à l’auditeur la véracité des propos.
C’est ainsi, pour nous, un combat permanent entre notre corps et notre esprit, deux modes de communication distincts, qui se retrouvent finalement assez rarement sur une « même longueur d’onde ».
L’auteur l’annonce d’emblée : « 80% de vos gestes et de vos postures corporelles changent de signification suivant le contexte de leur apparition ou ne représentent que des gesticulations insignifiantes. » (p. 6)
C’est dire si, comme le prévient l’auteur, l’interprétation des gestes n’est pas une science exacte et doit être prise avec d’infimes précautions. Son analyse de la gestuelle n’est qu’un indicateur, un outil supplémentaire du comportement humain. Cet ouvrage recèle cependant une multitude d’informations passionnantes sur ce décryptage des gestes et la façon dont « ils nous trahissent ». C’est en 1993 que cette « bible illustrée pour décoder le sens caché de tous les gestes » paraît pour la première fois, alors même que l’auteur le considérait comme un ouvrage sans intérêt pour le grand public. Il est pourtant devenu un véritable best-seller. Il s’en est vendu plus de 350 000 exemplaires en France depuis sa première parution.
Avec plus de vingt livres sur la thématique de la gestuelle, Joseph Messinger est devenu l’une des références incontournables du domaine. Preuve supplémentaire de son succès, depuis son décès en 2012, nombre de ses livres continuent à être réédités. Un ouvrage est encore à paraître début 2020.
Ouvrage recensé– Ces gestes qui vous trahissent, Paris, J’ai Lu, 2011 [1993].
Du même auteur– Grand livre du décodage gestuel, Paris, J’ai lu, À paraître mars 2020.– Savoir parler en public avec son corps, Paris, Flammarion, 2013.– Ces gestes qui vous changeront la vie, Paris, Flammarion, 2010.– Le profileur gestuel, Paris, First, 2009.– Les gestes des politiques, Paris, Flammarion, 2006.– Ces gestes qui vous séduisent, Paris, First, 2004.