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Philippe Pujol

La Fabrique du monstre

Pour Philippe Pujol, Marseille offre un condensé particulièrement détonnant de tous les dysfonctionnements d’une société française livrée au libéralisme, et menacée par le spectre de l’extrême-droite. La pauvreté y côtoie l’extrême misère, et une bourgeoisie affairiste, issue des compromis politiques de la libération et de la guerre d’Algérie, parfaitement dénuée de scrupules, menacée par la modernisation venue de Paris, garde jalousement son pouvoir, lequel fait corps avec son portefeuille. La corruption des grands y engendre celle des pauvres qui, enrégimentés dans des communautés fermées sur elles-mêmes, confinent leur rébellion à leur identité, lui ôtant par là même toute possibilité de subvertir un ordre des choses que la montée du mouvement lepéniste ne menace pas, bien au contraire.

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Armand Grabois

La Fabrique du monstre
La Fabrique du monstre

book.chapter Misère noire

Le livre de Philippe Pujol, c’est sa grande force, contient quelques portraits remarquables. Sans détour ni introduction, d’emblée, il nous plonge dans l’effarante réalité des quartiers nord de Marseille. Tout d’abord, les cas sociaux, ces enfants abandonnés à eux-mêmes qui se détruisent, inconsciemment, mais sûrement, par le moyen d’une consommation immodérée de drogues plus ou moins dures mélangées à toutes sortes d’additifs qui n’ont qu’un point commun : ils ne coûtent pas cher. Un certain « Canard », car tel est son surnom, nous informe : « "Boule" [son ami], il réduit en poudre 150 grammes de shit [résine de cannabis] avec ce petit mixer, puis il y ajoute un peu d’huile de vidange, il mélange, il verse dans ce Tupperware qu’il met dans l’eau chaude, et il compresse la pâte obtenue entre deux planches en s’asseyant dessus pour faire cette plaquette de 200 grammes que “Kaïser” coupe en barrettes à 20 euros. Comme ça, on se fait un peu plus de fric » (p. 11). Ainsi vont les choses. Certains, au même âge, vont à l’école. Et n’allez pas croire que cette consommation précoce de drogue ouvre à ces enfants les voies de quelque monde enchanté. Non. Leur univers est court et leurs passions sont tristes : « Voilà, écrit Pujol, des types programmés à l’ennui, capables de ne rien foutre, au ralenti, le cerveau escargot » (p. 12. De toute façon, et ils le savent, leur trajectoire aboutira bientôt au juge, et à l’enfermement. Si la prison isole de la société, elle vous plonge jusqu’au cou dans le crime. On n’y connaît que la loi du plus fort. Racket, vol, viol y sont monnaie courante. Il faut se laisser faire, ou souffrir. Alors on se soumet et, de toutes façons, c’est, de l’avis de nombreux délinquants, le seul et unique moyen de s’en sortir. Les autres moyens, à savoir la réussite scolaire et le travail, sont vus comme des trahisons, dans ce milieu où la norme sociale est celle de l’exclusion. Marseille est pauvre. Comme toute la France, elle a subi une violente désindustrialisation. Son port n’est plus que l’ombre de lui-même, éclipsé, même pour les relations avec le Maghreb, par Naples et Istanbul. Ce qui reste d’emplois, pour cols blancs et bureaucrates, est majoritairement occupé par les enfants de la blanche bourgeoisie. Pour les immigrés, rien. À eux de se débrouiller.

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